"Moines, soyez les héritiers de la doctrine, et non les héritiers du besoin. Je vous le dis par compassion et pour éviter que les gens vous critiquent. Si à midi, j'ai terminé un repas suffisant, adéquat, et que je suis suffisamment rassasié, mais qu'il me reste un peu de la nourriture donnée en aumône, et qu'il faudrait jeter, et que se présentent à moi deux moines fatigués et affamés, je les inviterai
Un des deux moines pourrait penser:
"Si je n'accepte pas, le Béni du Ciel devra jeter ce qui reste, comme il est d'habitude, en un lieu où il n'y ait ni herbe ni eau courante".
Il se rappelle l'enseignement du Tathâgata qui exhorte à être les héritiers de la doctrine et non du besoin, et donc il se propose d'y renoncer et, quoiqu'affamé et fatigué, de résister jusqu'au midi du lendemain.
L'autre moine, quoique sachant tout cela, accepte les restes pour combattre la faim et la fatigue. Il est légitime que le second moine les ait acceptés, mais le premier est supérieur en dignité et mérites parce que son comportement le fera avancer toujours plus dans la modération, dans le contentement, dans la simplicité et dans la persévérance.
C'est ainsi que parla le Béni du Ciel, et, s'étant levé, il rentra dans l'ermitage..
Tout de suite après, l'honorable Sariputta prit la parole:
"Frères moines, maintenant que s'est retiré l'Enseignant, de quelle manière les disciples négligent-ils la solitude, de quelle manière la soignent-ils?"
Les moines répondirent:
"Nous viendrions même de loin pour entendre ta parole, frère; parle, nous garderons à l'esprit tes paroles".
Sâriputta dit alors:
"C'est ainsi que vous, disciples de l'Enseignant qui vit en solitaire, négligez la solitude: vous ne méprisez pas ce qu'il a indiqué comme étant méprisable; vous devenez pleins de prétentions et importuns, vous recherchez la compagnie et fuyez la solitude comme un lourd fardeau. Ainsi les frères plus anciens ont honte pour trois raisons: d'abord, parce que vous n'aimez pas la solitude; en second, parce que vous ne méprisez pas ce que l'Enseignant a indiqué comme étant méprisable; en troisième, parce que vous recherchez la compagnie en évitant la solitude. Cela fait honte aux frères plus anciens, mais aussi à ceux qui le sont moins et aux nouveaux. Et voici de quelle manière vous soignez la solitude: en méprisant ce qui doit être méprisé; en ne devenant pas prétentieux et importuns; en évitant la compagnie comme étant un lourd fardeau et en recherchant la solitude.
Voilà quelles sont les choses qui font honneur aux moines plus anciens comme a à ceux qui le sont moins, ainsi qu'aux nouveaux. Maintenant, mes frères, observez: la cupidité est mauvaise et l'aversion est mauvaise. Il existe une voie moyenne pour y échapper: une voie qui rend clairvoyants et savants, qui produit le soulagement, la claire vision qui conduit à l'éveil, à l'extinction. Il s'agit de ce noble octuple sentier, c'est-à-dire: juste compréhension, juste pensée, juste parole, juste action, justes moyens de vie, juste effort, juste attention, juste concentration. Et la colère et la discorde sont mauvaises, mes frères, et il en va de même de l'hypocrisie et de l'envie, de la jalousie et de l'égoïsme, de la tromperie et de la ruse, de l'obstination et de la violence, de l'orgueil et de la vanité, de la suffisance et de la négligence."
C'est ainsi que parla le Vénérable Sâriputta. Heureux, les moines se réjouirent de ses paroles.