© Nanabozho (Gichi Wabush)
Contact |
Index »
Tipitaka »
Sutta Pitaka »
Majjhima Nikaya
Majjhima Nikaya 5
Anangana Sutta
L'absence d'erreur
D'après la traduction de Jean Bertrand-Bocandé
sous la haute direction du
Vénérable Bhikkhu Dr. W. Rahula (B.A. London)
du Vidyalankara Pirivena
Editions Vega, 65 Rue Claude Bernard 75005 Paris
Copyright by "Les amis du Bouddhisme", Paris 1953
Ainsi l'ai-je entendu.
Une fois, le Bhagavat résidait à Sâvatthi, dans le
parc Jeta, au monastère d'Anâthapindika. Là, le
vénérable Sâriputta s'adressa aux moines:
"Frères moines !" -- "Frère", répondirent ces
moines au vénérable Sâriputta.
Le vénérable Sâriputta parla ainsi:
Il y a dans le monde quatre sortes d'hommes, ô frères.
Quels sont ces quatre? Voici, ô frères: quelqu'un qui,
étant dans l'erreur, le sait; quelqu'un qui, étant dans
l'erreur ne le sait pas; quelqu'un qui, n'étant pas dans
l'erreur, ne sait qu'il n'est pas dans l'erreur; et quelqu'un qui,
n'étant pas dans l'erreur, le sait exactement.
Cette personne, ô frères, qui est dans l'erreur et ne le
sait pas, est appelée la plus mauvaise des deux personnes qui
sont dans l'erreur. -- Et cette personne qui est dans l'erreur, mais
qui le sait, est appelée la meilleure des
deux. -- Cette personne, qui n'est pas dans l'erreur et ne sait pas
qu'elle ne l'est pas, est appelée la plus mauvaise des
deux personnes qui ne sont pas dans l'erreur. -- Et celle qui
n'est pas dans l'erreur et le sait
exactement, est appelée la meilleure des
deux personnes qui ne sont pas dans l'erreur."
Alors, le vénérable Mhâmoggallâna [1]
s'adressa comme suit au vénérable Sâriputta:
--Pour quelle raison, pour quelle cause est-ce le cas?
Sâriputta répondit:
-- Cette personne qui est dans l'erreur, mais ne le sait pas, n'aura
aucune volonté, ne fera aucun effort pour en sortir et mourra
avec de l'attachement, de l'aversion et de l'ignorance, dans l'erreur
et l'impureté. C'est comme si on a un bol de métal
acheté au marché ou chez un artisan, et qu'il reste
poussiéreux et taché, qu'on ne s'en sert ni ne le
nettoie, ce bol, au fil du temps, sera de plus en plus sale.
Celle qui est dans l'erreur et le sait, par contre, aura
l'envie, fera l'effort et luttera pour détruire son erreur et
mourra sans attachement, sans aversion et sans ignorance, avec l'esprit
pur. Elle sera comme notre bol de métal qui sera propre et
brillant si on s'en sert et si on le lave fréquemment.
Celle qui n'est pas dans l'erreur et ne le sait pas,
lorsqu'elle pensera à quelque chose d'agréable laissera
l'attachement envahir son esprit, et mourra avec de l'attachement, de
l'aversion et de l'ignorance, dans l'erreur et l'impureté. Ce
sera comme notre bol, ramené à la maison propre et
brillant, et qu'on laisserait ensuite se couvrir de poussière et
de saleté.
Celle qui n'est pas dans l'erreur et le sait ne laissera
pas l'attachement envahir son esprit, et mourra sans attachement, sans
aversion et sans ignorance, sans erreur et l'esprit pur. Ce sera comme
notre bol de métal, propre et brillant, qu'on lave et entretient
régulièrement, et qui avec le temps est encore plus
brillant et propre qu'à l'origine.
Telle est donc la raison, et la cause de ce que deux de ces personnes sont meilleures que les autres.
Mais qu'entend-on donc par "impureté"? Ce sont les actions
déméritoires causées par de mauvaises tendances.
Par exemple, on peut avoir une circonstance où un moine a commis
une transgression, mais souhaiterait que la communauté ne
le sache pas. Dans le où les moines l'accuseraient devant la
communauté et non en secret. Il en deviendrait chagrin et
contrarié. Ce chagrin et cette contrariété sont
tous deux des impuretés.
Il pourrait y avoir une circonstance où un moine, ayant commis
une transgression, souhaiterait être accusé par un
égal et non un inférieur. Si alors, c'est un
inférieur qui l'accuse, il sera aussi chagrin et
contrarié, et ce seront donc des impuretés.
Supposons que le moine souhaite que le maître l'interroge
à lui et pas aux autres. Si le maître questionne un autre
moine, le nôtre sera encore une fois chagrin et contrarié.
S'il souhaite que ses collègues le mettent à leur
tête en entrant dans un village pour y aller mendier, et qu'ils
mettent quelqu'un d'autre en tête, il sera chagrin et
contrarié. S'il souhaite être le premier à recevoir
au repas la première place et qu'un autre
bénéficie de cet honneur, il sera chagrin et
contrarié. Ou encore s'il souhaite, après le repas, que
ce soit lui qui ait la parole, et que c'en est un autre, il sera
chagrin et contrarié. S'il veut être celui qui est
chargé d'enseigner la doctrine aux autres, et qu'un autre que
lui est choisi pour cela, il sera chagrin et contrarié. De
même s'il s'agit d'enseigner aux nonnes, aux laïcs ou aux
laïques, bénéficier du respect des autres moines,
des nonnes, des laïcs et des laïques, en être
vénéré, recevoir en don des robes fines, des
nourritures délicieuses, des habitations confortables, les
meilleurs remèdes, et que ces souhaits ne se réalisent
pas, il deviendra chagrin et contrarié, et ce chagrin et cette
contrariété sont tous deux des impuretés.
O frères, si ces actions déméritoires, sont vues
et entendues sans être détruites, le moine aura beau
demeurer en forêt ou au désert, vivre d'aumônes
mendiées de porte en porte, porter des robes de haillons, ses
frères moines ne le respecteront pas, ne le salueront pas, ne le
vénèreront pas. De même, si on ramène chez
soi un bol en métal propre et brillant, mais qu'on y met des
charognes que l'on recouvre précieusement comme si
c'étaient des nourritures de choix, ceux qui verront cela seront
figés d'horreur et de dégoût et même les
affamés ne voudraient pas en manger.
Par contre, si ces actions déméritoires sont vues et
entendues comme ayant été détruites, alors le
moine aura beau accepter des invitations et porter des robes
données par les chefs de famille, se frères le salueront
et le respecteront. Ainsi, notre bol, si propre et brillant, si l'on y
met des nourritures de choix, réjouira tous ceux qui le verront,
et même les repus y retrouveraient l'appétit.
Alors le vénérable Mahâmoggallâna dit au
vénérable Sâriputta: "Ça me rappelle une
fois où je demeurais dans la montagne de Rajagaha. Un matin,
ayant revêtu mes robes et pris mon bol, j'allai en ville pour
demander l'aumône. A ce moment, le jeune charron Samiti taillait
la jante d'une roue de char. L'ascète errant Panduputto qui
avait auparavant été lui-même charron se tenait
près de lui et se disait qu'il faudrait qu'il taille les bosses,
les ondulations et les défauts de la jante, et à ce
moment-même, Samiti faisait comme il avait pensé.
Paduputto dit alors ces paroles de contentement: "Il taille vraiment
comme si son coeur comprenait le mien".
Il y a de même des gens sans confiance qui ont quitté leur
foyer sans foi, seulement pour assurer leur vie, qui sont rusés,
fourbes et tortueux, fiers et arrogants, légers, bavards et
verbeux, sans contrôle des sens, mangeant sans modération,
ne pratiquant pas la vigilance, n'attendant pas de résultat de
la vie monastique, sans respect pour les préceptes, ayant trop
de possessions, relâchés, s'adonnant aux plaisirs et sans
penchant pour la solitude, inconstants et d'esprit dispersé,
sots et insensés, ceux-là, le vénérable
Sâriputta les taille par cette instruction comme si son coeur
connaissait le leur.
Et s'il y a des fils de famille qui avec confiance ont quitté
leur foyer avec foi, qui ne sont ni rusés, ni fourbes ni
tortueux, ni fiers ni arrogants,
ni légers, ni bavards ni verbeux, ayant le contrôle
des sens, mangeant avec
modération, pratiquant la vigilance, attendant le
résultat
de la vie monastique, ayant le respect des préceptes, n'ayant
pas de
possessions, non relâchés, s'adonnant à la
solitude et sans penchant pour les plaisirs, vigoureux et forts,
attentifs et appliqués, concentrés et d'esprit
tranquille, sages et avisés, ceux-là,
il me semble, ayant entendu cette instruction du
vénérable Sâriputta la boivent et la mangent
vraiment par les mots et par l'esprit. Ils sont comme une jeune
femme ou un adolescent, qui, après le bain, aiment à se
parer de guirlandes de lotus, de jasmin ou de frangipanier.
Il serait bon, vénérable Sâriputta, que le sangha
des moines, ayant abandonné le mal, s'établisse dans le
bien.
C'est ainsi que ces deux grands hommes s'approuvèrent l'un l'autre.