Extrait de The Lion's Roar: Two Discourses of the Buddha (WH 390/391), corrigé et révisé par Bhikkhu Bodhi, (Kandy: Buddhist Publication Society, 1993). Copyright ©1993 Buddhist Publication Society. Utilisé par permission.
2. Or en cette occasion Sunakkhatta, un fils des Licchavis, avait récemment quitté ce Dhamma et Discipline.[1] Il était en train de faire cette déclaration devant l'assemblée de Vesali: "Le reclus Gotama n'a aucun état surhumain, aucune distinction en connaissance et vision digne des nobles personnes.[2] Le reclus Gotama enseigne un Dhamma (simplement) élaboré par raisonnement, en suivant sa propre ligne d'investigation comme ça lui vient, et lorsqu'il enseigne le Dhamma à quelqu'un, ça le conduit, lorsqu'il le pratique, à la complète destruction de la souffrance."[3]
3. Alors, au matin, le Vénérable Sariputta s'habilla, et prenant son bol et sa robe de dessus, partit pour Vesali pour demander l'aumône. Alors il entendit Sunakkhatta, le fils des Licchavis, en train de faire cette déclaration devant l'assemblée de Vesali. Quand il se fut promené pour demander l'aumône dans Vesali et fut rentré de sa tournée d'aumônes, après son repas il alla trouver le Béni du Ciel, et après lui avoir rendu hommage, il s'assit d'un côté et raconta au Béni du Ciel ce que disait Sunakkhatta.
4. (Le Béni du Ciel dit:) "Sariputta, cet homme malavisé, Sunakkhatta, est en colère, et ses paroles son prononcées à cause de la colère. Croyant discréditer le Tathâgata, il en fait en réalité l'éloge;[*p.69] car c'est une louange pour le Tathâgata que de dire de lui: 'Quand il enseigne le Dhamma à quelqu'un, ça le conduit, lorsque il le pratique, à la complète destruction de la souffrance.'
5. "Sariputta, cet homme malavisé, Sunakkhatta, ne déduira jamais de moi selon le Dhamma: 'Ce Béni du Ciel est accompli, pleinement éveillé, parfait en véritable connaissance et comportement, sublime, connaisseur de mondes, incomparable guide de personnes à dompter, enseignant des dieux et des humains, éveillé, béni.'[4]
6. "Et il ne déduira jamais de moi selon le Dhamma: 'Ce Béni du Ciel jouit des diverses sortes de pouvoirs supranormaux: ayant été un, il devient plusieurs; ayant été plusieurs, il devient un; il apparaît et disparaît; il passe sans problème à travers un mur, à travers une clôture, à travers une montagne, tout comme à travers l'espace; il plonge dans la terre et en ressort tout comme si c'était de l'eau; il marche sur l'eau sans couler tout comme si c'était la terre ferme; assis à jambes croisées, il voyage dans l'espace comme un oiseau; de sa main il touche et caresse la lune et le soleil si puissants et impressionnants; il manie sa maîtrise physique aussi loin que le monde de Brahma.'
7. "Et il ne déduira jamais de moi selon le Dhamma: 'Avec l'élément-oreille divin, qui est purifié et surpasse l'humain, ce Béni du Ciel entend les deux sortes de sons, le céleste et l'humain, ceux qui sont loin aussi bien que ceux qui sont proches.'
8. "Et il ne déduira jamais de moi selon le Dhamma: 'Ce Béni du Ciel englobe de son propre esprit celui d'autres êtres, d'autres personnes. Il comprend un esprit affecté par le désir charnel comme étant affecté par le désir charnel et un esprit non-affecté par le désir charnel comme n'étant pas affecté par le désir charnel; il comprend un esprit affecté par la haine comme étant affecté par la haine et un esprit non-affecté par la haine comme n'étant pas affecté par la haine; il comprend un esprit affecté par l'illusion comme étant affecté par l'illusion et un esprit non-affecté par l'illusion comme n'étant pas affecté par l'illusion; il comprend un esprit contracté comme étant contracté et un esprit distrait comme étant distrait; il comprend un esprit exalté comme étant exalté et un esprit non-exalté comme n'étant pas exalté; il comprend un esprit dépassé comme étant dépassé et un esprit sans pareil comme étant sans pareil; il comprend un esprit concentré comme étant concentré et un esprit déconcentré comme étant déconcentré; il comprend un esprit libéré comme étant libéré et un esprit non-libéré comme n'étant pas libéré.'
9. "Sariputta, le Tathâgata a ces dix pouvoirs de Tathâgata, en possession desquels il prétend à la place de guide du troupeau, rugit son rugissement de lion dans les assemblées, et met en mouvement la Roue de Brahma.[5] Quels sont les dix?
10. (1) "Ici, le Tathâgata comprend tels qu'ils sont en réalité le possible comme possible et l'impossible comme impossible.[6] Et cela [*p.70] est un pouvoir de Tathâgata qu'a le Tathâgata, en vertu duquel il prétend à la place de guide du troupeau, rugit son rugissement de lion dans les assemblées, et met en mouvement la Roue de Brahma.
11. (2) "Encore une fois, le Tathâgata comprend tels qu'ils sont en réalité les résultats des actions entreprises, passées, futures et présentes, avec possibilités et avec causes. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...[7]
12. (3) "Encore une fois, le Tathâgata comprend tels qu'elles sont en réalité les voies qui mènent à toutes destinations. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...[8]
13. (4) "Encore une fois, le Tathâgata comprend tels qu'il est en réalité le monde avec ses nombreux et différents éléments. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...[9]
14. (5) "Encore une fois, le Tathâgata comprend tels qu'il est en réalité comment les êtres ont différentes inclinations. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...[10]
15. (6) "Encore une fois, le Tathâgata comprend tels qu'elles sont en réalité la disposition des facultés d'autres êtres, d'autres personnes. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...[11]
16. (7) "Encore une fois, le Tathâgata comprend tels qu'ils sont en réalité la souillure, la purification et l'émergence par rapport aux jhânas, libérations, concentrations et réussites. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...[12]
17. (8) "Encore une fois, le Tathâgata se rappelle ses multiples vies passées, c'est-à-dire, une naissance, deux naissances, trois naissances, quatre naissances, cinq naissances, dix naissances, vingt naissances, trente naissances, quarante naissances, cinquante naissances, cent naissances, mille naissances, cent mille naissances, plusieurs éons de contraction cosmique, plusieurs éons d'expansion cosmique, plusieurs éons de contraction et d'expansion cosmique: 'Là j'avais tel nom, tel clan, telle apparence, telle était ma nourriture, telle fut mon expérience du plaisir et de la douleur, tel fut le terme de ma vie; et décédant de là, je réapparus ailleurs; et là aussi j'eus tel nom, tel clan, telle apparence, telle fut ma nourriture, telle fut mon expérience du plaisir et de la douleur, tel fut le terme de ma vie; et décédant de là, je réapparus ici.' C'est ainsi qu'avec leurs aspects et spécificités il se rappelle de ses multiples vies passées. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...
18. (9) "Encore une fois, avec l'oeil divin, qui est purifié et surpasse l'humain, le Tathâgata voit les êtres en train de décéder et de réapparaître, inférieurs et supérieurs, beaux et laids, fortunés et infortunés, et il comprend comment les êtres poursuivent selon leurs actions comme suit: 'Ces êtres dignes qui furent de mauvaise conduite en corps, paroles et esprit, contempteurs des nobles personnes, mauvais dans leurs vues, donnant lieu à une vue erronée en leurs actions, à la dissolution du corps,[*p.71] après la mort, ont réapparu dans un état de privation, dans une mauvaise destination, dans la perdition, en enfer, même; mais ces êtres dignes qui furent de bonne conduite en corps, paroles et esprit, n'insultèrent pas les nobles personnes, furent justes en leurs vues, donnant lieu à une vue correcte en leurs actions, à la dissolution du corps, après la mort, ont réapparu dans une bonne destination, dans le monde céleste, même.' C'est ainsi qu'avec l'oeil divin, qui est purifié et surpasse l'humain, il voit les êtres décédant et réapparaissant, inférieurs et supérieurs, beaux et laids, fortunés et infortunés, et il comprend comment les êtres poursuivent selon leurs actions. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata...
19. (10) "Encore une fois, en le réalisant par lui-même avec la connaissance directe, le Tathâgata ici et maintenant pénètre et demeure dans la délivrance de l'esprit et la délivrance par sagesse qui sont immaculées de par la destruction des souillures. Cela aussi est un pouvoir de Tathâgata qu'a un Tathâgata, en vertu duquel il prétend à la place de guide du troupeau, rugit son rugissement de lion dans les assemblées, et met en mouvement la Roue de Brahma.
20. "Le Tathâgata a ces dix pouvoirs de Tathâgata, en possession desquels il prétend à la place de guide du troupeau, rugit son rugissement de lion dans les assemblées, et met en mouvement la Roue de Brahma.
21. "Sariputta, lorsque je sais et vois de cette manière, si quiconque devait dire de moi: 'Le reclus Gotama n'a aucun état surhumain, aucune distinction en connaissance et vision digne des nobles personnes. Le reclus Gotama enseigne un Dhamma (simplement) élaboré par raisonnement, en suivant sa propre ligne d'investigation comme ça lui vient' -- à moins qu'il n'abandonne cette assertion et cet état d'esprit et ne laisse de côté cette vue, alors aussi (sûrement comme s'il eut été) emporté et posé là,, il va se retrouver en enfer.[13] De même qu'un bhikkhu en possession de vertu, concentration et sagesse pourrait ici et maintenant jouir de la connaissance finale, il arrivera de même dans ce cas, dis-je, qu'à moins qu'il n'abandonne cette assertion et cet état d'esprit et ne laisse de côté cette vue, qu'alors aussi (sûrement comme s'il eut été) emporté et posé là, il se retrouvera en enfer.
22. "Sariputta, le Tathâgata a ces quatre sortes d'intrépidité, en possession desquels il prétend à la place de guide du troupeau, rugit son rugissement de lion dans les assemblées, et met en mouvement la Roue de Brahma. Quels sont les quatre?
23. "Ici, je ne vois pas de raison pour laquelle aucun reclus ou brahmane ou dieu ou Mâra ou Brahma ou qui que ce soit dans le monde pourrait, en accord avec le Dhamma, m'accuser comme suit: 'Alors que vous prétendez avoir la parfaite réalisation de l'éveil, vous n'êtes pas pleinement éveillé par rapport à certaines choses.'[*p.72] Et ne voyant aucune raison pour cela, je demeure en sûreté, sans peur et intrépide.
24. "Je ne vois pas de raison pour laquelle aucun reclus... ou qui que ce fut pourrait m'accuser comme suit: 'Alors que vous prétendez avoir détruit les souillures, ces souillures n'ont pas été détruites par vous.' Et ne voyant aucune raison pour cela, je demeure en sûreté, sans peur et intrépide.
25. "Je ne vois pas de raison pour laquelle aucun reclus... ou qui que ce fut pourrait m'accuser comme suit: 'Ces choses que vous appelez obstructions ne peuvent faire obstruction à celui qui s'engage en elles.' Et ne voyant aucune raison pour cela, je demeure en sûreté, sans peur et intrépide.
26. "Je ne vois pas de raison pour laquelle aucun reclus... ou qui que ce fut pourrait m'accuser comme suit: 'Quand vous enseignez le Dhamma à quelqu'un, cela ne le mène pas lorsqu'il le pratique, à la complète destruction de la souffrance.' Et ne voyant aucune raison pour cela, je demeure en sûreté, sans peur et intrépide.
27. "Un Tathâgata a ces quatre sortes d'intrépidité, en possession desquels il prétend à la place de guide du troupeau, rugit son rugissement de lion dans les assemblées, et met en mouvement la Roue de Brahma.[14]
28. "Sariputta, lorsque je sais et vois de cette manière, si quiconque devait dire de moi... il va se retrouver en enfer.
29. "Sariputta, il y a ces huit assemblées. Quels sont les huit? Une assemblée de nobles, une assemblée de brahmanes, une assemblée de maîtres de maison, une assemblée de reclus, une assemblée de dieux du ciel des Quatre Grands Rois, une assemblée de dieux du ciel des Trente-trois, une assemblée de la suite de Mâra, une assemblée de Brahmas. En possession de ces quatre sortes d'intrépidité, le Tathâgata s'approche de, et entre dans ces huit assemblées.
30. "Je me rappelle avoir approché plusieurs centaines d'assemblées de nobles... plusieurs centaines d'assemblées de brahmanes... plusieurs centaines d'assemblées de maîtres de maison... plusieurs centaines d'assemblées de reclus... plusieurs centaines d'assemblées de dieux du ciel des Quatre Grands Rois... plusieurs centaines d'assemblées de dieux du ciel des Trente-trois... plusieurs centaines d'assemblées de la suite de Mâra... plusieurs centaines d'assemblées de Brahmas. Et auparavant je m'étais assis avec ceux-là et j'avais parlé avec eux et tenu des conversations avec eux, et pourtant je ne vois pas de raison pour penser que la peur ou la timidité puissent là venir sur moi. Et ne voyant aucune raison pour cela, je demeure en sûreté, sans peur et intrépide.[*p.73]
31. "Sariputta, lorsque je sais et vois de cette manière, si quiconque devait dire de moi... il va se retrouver en enfer.
32. "Sariputta, il y a ces quatre sortes de génération. Quels sont les quatre? La génération née d'un oeuf, la génération née d'une matrice, la génération née de l'humidité et la génération spontanée.
33. "Qu'est-ce que la génération née d'un oeuf ? Il y a ces êtres nés en sortant de la coquille d'un oeuf; c'est ce qu'sur appelle la génération née d'un oeuf. Qu'est-ce que la génération née d'une matrice ? Il y a ces êtres nés en sortant de la coiffe; c'est ce qu'sur appelle la génération née d'une matrice. Qu'est-ce que la génération née de l'humidité ? Il y a ces êtres nés dans un poisson pourri, dans un cadavre en putréfaction, dans de la pâte pourrie, dans une fosse d'aisances, ou dans un égout; c'est ce qu'sur appelle la génération née de l'humidité. Qu'est-ce que la génération spontanée ? Il y a les dieux et les habitants de l'enfer et certains êtres humains et quelques êtres des mondes inférieurs; c'est ce qu'sur appelle la génération spontanée. Telles sont les quatre sortes de génération.
34. "Sariputta, lorsque je sais et vois de cette manière, si quiconque devait dire de moi... il va se retrouver en enfer.
35. "Sariputta, il y a ces cinq destinations. Quels sont les cinq? L'enfer, le monde animal, le monde des fantômes, les êtres humains et les dieux.[15]
36. (1) "Je comprends l'enfer, et le sentier et chemin qui mène à l'enfer. Et je comprends aussi comment quelqu'un qui est entré dans cette voie réapparaîtra, à la dissolution du corps, après la mort, dans un état de privation, dans une destination malheureuse, dans la perdition, en enfer.
(2) "Je comprends le monde animal, et le sentier et chemin qui mène au monde animal. Et je comprends aussi comment quelqu'un qui est entré dans cette voie réapparaîtra, à la dissolution du corps, après la mort, dans le monde animal.
(3) "Je comprends le monde des fantômes, et le sentier et chemin qui mène au monde des fantômes. Et je comprends aussi comment quelqu'un qui est entré dans cette voie réapparaîtra, à la dissolution du corps, après la mort, dans le monde des fantômes.
(4) "Je comprends êtres humains, et le sentier et chemin qui mène le monde humain. Et je comprends aussi comment quelqu'un qui est entré dans cette voie réapparaîtra, à la dissolution du corps, après la mort, parmi les êtres humains.
(5) "Je comprends les dieux, et le sentier et chemin qui mène au monde des dieux. Et je comprends aussi comment quelqu'un qui est entré dans cette voie réapparaîtra, à la dissolution du corps, après la mort, dans une heureuse destination, dans le monde céleste.
(6) "Je comprends le Nibbâna, et le sentier et chemin qui mène au Nibbâna.[*p.74] Et je comprends aussi comment quelqu'un qui est entré dans cette voie pourra, en la réalisant par lui-même avec la connaissance directe, entrer et demeurer ici et maintenant dans la délivrance de l'esprit et la délivrance par la sagesse qui sont immaculées de par la destruction des souillures.
37. (1) "En englobant l'esprit avec l'esprit je comprends une certaine personne comme suit: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaîtra dans un état de privation, en une destination malheureuse, dans la perdition, en enfer.' Et puis plus tard, avec l'oeil divin, qui est purifié et surpasse l'humain, je vois qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle a réapparu dans un état de privation, en une destination malheureuse, dans la perdition, en enfer, et fait l'expérience de sensations extrêmement pénibles, tourmentantes, perçantes. Supposons une fosse de charbon plus profonde que la hauteur d'un homme, pleine de charbons ardents sans flamme ni fumée; et puis qu'un homme brûlé et épuisé par la canicule, fatigué, desséché par la soif, arrive par un chemin en sens unique et orienté vers à cette même fosse de charbon. Alors un homme à la bonne vue en le voyant dirait: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin, qu'elle va arriver à cette même fosse de charbon'; et puis plus tard il voit qu'il est tombé dans cette fosse de charbon et fait l'expérience de sensations extrêmement pénibles, tourmentantes, perçantes. Ainsi aussi, en englobant l'esprit avec l'esprit... perçantes.
38. (2) "En englobant l'esprit avec l'esprit je comprends une certaine personne comme suit: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaîtra dans le monde animal.' Et puis plus tard, avec l'oeil divin, qui est purifié et surpasse l'humain, je vois qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle a réapparu dans le monde animal et fait l'expérience de sensations pénibles, tourmentantes, perçantes. Supposons une fosse d'aisance plus profonde que la hauteur d'un homme, pleine d'ordures; et puis qu'un homme[*p.75] brûlé et épuisé par la canicule, fatigué, desséché par la soif, arrive par un chemin en sens unique et orienté vers cette même fosse d'aisance. Alors un homme à la bonne vue en le voyant dirait: 'Cette personne se comporte de telle sorte... qu'elle va arriver à cette même fosse d'aisance'; et puis plus tard il voit qu'il est tombé dans cette fosse d'aisance et fait l'expérience de sensations pénibles, tourmentantes, perçantes. Ainsi aussi, en englobant l'esprit avec l'esprit... perçantes.
39. (3) "En englobant l'esprit avec l'esprit je comprends une certaine personne comme suit: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaîtra dans le monde des fantômes.' Et puis plus tard... Je vois que... elle a réapparu dans le monde des fantômes et fait l'expérience de beaucoup de sensations pénibles. Supposons un arbre croissant sur un sol inégal avec un feuillage pauvre ne donnant qu'une ombre tachetée; et puis qu'un homme brûlé et épuisé par la canicule, fatigué, desséché par la soif, arrive par un chemin en sens unique et orienté vers ce même arbre. Alors un homme à la bonne vue en le voyant dirait: 'Cette personne se comporte de telle sorte... qu'elle va arriver à ce même arbre'; et puis plus tard il voit qu'il est assis ou étendu à l'ombre de cet arbre faisant l'expérience de beaucoup de sensations pénibles. Ainsi aussi, en englobant l'esprit avec l'esprit... beaucoup de sensations pénibles.
40. (4) "En englobant l'esprit avec l'esprit je comprends une certaine personne comme suit: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaîtra parmi les êtres humains.' Et puis plus tard... Je vois que... elle a réapparu parmi les êtres humains et fait l'expérience de beaucoup de sensations agréables. Supposons un arbre croissant sur un terrain uni avec un feuillage épais projetant une ombre profonde; et puis qu'un homme brûlé et épuisé par la canicule, fatigué, desséché par la soif, arrive par un chemin en sens unique et orienté vers ce même arbre. Alors un homme à la bonne vue en le voyant dirait: 'Cette personne se comporte de telle sorte... qu'elle va arriver à ce même arbre'; et puis plus tard il voit qu'il est assis ou étendu à l'ombre de cet arbre faisant l'expérience de beaucoup de sensations agréables. Ainsi aussi, en englobant l'esprit avec l'esprit... beaucoup de sensations agréables[*p.76]
41. (5) "En englobant l'esprit avec l'esprit je comprends une certaine personne comme suit: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin qu'à la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaîtra dans une heureuse destination, dans le monde céleste.' Et puis plus tard... Je vois que... elle a réapparu dans une heureuse destination, dans le monde céleste et fait l'expérience de sensations extrêmement agréables. Supposons un manoir, et qu'il comporte une pièce à l'étage enduite de plâtre au-dedans et au-dehors, close, fermée par des barres, avec des volets aux fenêtres, et qu'il y avait là une couche jetée de tapis, couvertures et draps, avec un couvre-lit en daim, avec un ciel-de-lit ainsi que des oreillers cramoisis pour les deux (tête et pieds); et puis qu'un homme brûlé et épuisé par la canicule, fatigué, desséché par la soif, arrive par un chemin en sens unique et orienté vers ce même manoir. Alors un homme à la bonne vue en le voyant dirait: 'Cette personne se comporte de telle sorte... qu'elle va arriver à ce même manoir'; et plus tard il voit qu'il est assis ou étendu dans cette chambre à l'étage en ce manoir faisant l'expérience de sensations extrêmement agréables. Ainsi aussi, en englobant l'esprit avec l'esprit... sensations extrêmement agréables.
42. (6) "En englobant l'esprit avec l'esprit je comprends une certaine personne comme suit: 'Cette personne se comporte de telle sorte, se conduit de telle sorte, a pris un tel chemin qu'en le réalisant par elle-même avec la connaissance directe, elle entrera et demeurera ici et maintenant dans la délivrance de l'esprit et la délivrance par sagesse qui sont immaculées de par la destruction des souillures.' Et puis plus tard je vois qu'en le réalisant par elle-même avec la connaissance directe, elle pénètre et demeure ici et maintenant dans la délivrance de l'esprit et la délivrance par sagesse qui sont immaculées de par la destruction des souillures, et fait l'expérience de sensations extrêmement agréables.[16] Supposons un étang avec de l'eau propre, agréable, fraîche, transparente, avec des berges en pente douce, ravissant, et tout près un bois touffu; et puis qu'un homme brûlé et épuisé par la canicule, fatigué, desséché par la soif, arrive par un chemin en sens unique et orienté vers ce même étang. Alors un homme à la bonne vue en le voyant dirait: 'Cette personne se comporte de telle sorte... qu'elle va arriver à ce même étang'; et puis plus tard il voit qu'il a plongé dans l'étang, s'est baigné, a bu et a soulagé toute son angoisse, sa fatigue et sa fièvre et est ressorti et s'est assis ou étendu dans le bois[*p.77] faisant l'expérience de sensations extrêmement agréables. Ainsi aussi, en englobant l'esprit avec l'esprit... sensations extrêmement agréables. Telles sont les cinq destinations.
43. "Sariputta, lorsque je sais et vois de cette manière, si quiconque devait dire de moi: 'Le reclus Gotama n'a aucun état surhumain, aucune distinction en connaissance et vision digne des nobles personnes. Le reclus Gotama enseigne un Dhamma (simplement) élaboré par raisonnement, en suivant sa propre ligne d'investigation comme ça lui vient' -- à moins qu'il abandonne cette assertion et cet état d'esprit et laisse de côté cette vue, alors aussi (sûrement comme s'il eut été) emporté et posé là, il va se retrouver en enfer. De même qu'un bhikkhu en possession de vertu, concentration et sagesse jouirait ici et maintenant de la connaissance finale, il en ira de même, dis-je, que à moins qu'il n'abandonne cette assertion et cet état d'esprit et ne laisse de côté cette vue, alors aussi (sûrement comme s'il eut été) emporté et posé là, il va se retrouver en enfer.
44. "Sariputta, je me rappelle avoir vécu une vie sainte en possession de quatre facteurs. J'ai pratiqué l'ascétisme -- le plus extrême ascétisme; j'ai pratiqué la grossièreté -- la plus extrême grossièreté; j'ai pratiqué la scrupulosité -- la plus extrême scrupulosité; j'ai pratiqué l'isolement -- le plus extrême isolement.[17]
45. "Tel était mon l'ascétisme, Sariputta, que j'allais nu, rejetant les conventions, me léchant les mains, ne venant pas lorsqu'on me le demandait, ne m'arrêtant pas lorsqu'on me le demandait; je n'acceptais pas la nourriture qu'on m'apportait ou de nourriture spécialement préparée ou une invitation à un repas; je ne recevais rien d'un pot, d'un bol, au-dessus d'un seuil, au bout d'un bâton, au-dessus d'un mortier, de deux personnes en train de manger ensemble, d'une femme enceinte, d'une femme en train d'allaiter, d'une femme étendue avec un homme, de là où on annonçait que de la nourriture allait être distribuée, de là où attendait un chien, de là où bourdonnaient des mouches; je n'acceptais ni poisson ni viande, I ne buvais ni liqueur, ni vin ni boisson fermentée. Je m'en tenais à une maison, à une bouchée; je m'en tenais à deux[*p.78] maisons, à deux bouchées;... Je m'en tenais à sept maisons, à sept bouchées. Je vivais [du contenu] d'une soucoupe par jour, de deux soucoupes par jour... sur sept soucoupes par jour; je prenais de la nourriture une fois par jour, une fois tous les deux jours... une fois tous les sept jours, et ainsi de suite, jusqu'à une fois tous les quinze jours; je poursuivais la pratique de prendre de la nourriture à intervalles fixes. J'étais un mangeur de verdure ou de millet ou de riz sauvage ou de rognures de cuir ou de mousse ou de son de riz ou d'écume de riz ou de farine de sésame ou d'herbe ou de bouses de vache. Je vivais de racines et de fruits de la forêt, je me nourrissais de fruits tombés. Je m'habillais de chanvre, de tissu mêlé de chanvre, de linceuls, de guenilles de rebut, en écorce d'arbre, en peau d'antilope, en bandes de peau d'antilope, en tissu d'herbe kusa, en tissus d'écorce, en tissu de copeaux de bois, en laine de cheveux, en laine animale, en ailes de hiboux. J'étais quelqu'un qui s'arrachait les cheveux et la barbe, selon la pratique de s'arracher les cheveux et la barbe. J'étais quelqu'un qui se tenait continuellement debout, rejetant les sièges. J'étais quelqu'un qui restait continuellement accroupi, voué à maintenir la position accroupie. J'étais quelqu'un qui usait d'une planche à clous; j'avais fait mon lit d'une planche à clous. J'ai suivi la pratique de me baigner dans l'eau trois fois par jour y-compris le soir. C'est ainsi qu'en une pareille variété de façons j'ai suivi la pratique de tourmenter et mortifier le corps. Tel était mon l'ascétisme.
46. "Telle était ma la grossièreté, Sariputta, que tout comme l'écorce du tronc d'un arbre tinduka, en s'accumulant au fil des ans, sèche et s'écaille, de même la poussière et la saleté, en s'accumulant au fil des ans, séchait sur mon corps et s'écaillait. Il ne me venait jamais à l'esprit: 'Oh, je vais nettoyer cette poussière et cette saleté avec ma main, ou que quelqu'un d'autre nettoie cette poussière et cette saleté avec sa main' -- cela ne me venait jamais à l'esprit ainsi. Telle était ma la grossièreté.
47. "Telle était ma scrupulosité, Sariputta, que je faisais toujours attention en avançant et en reculant. J'étais rempli de pitié même pour ( les êtres dans) une goutte d'eau comme suit: 'Que je ne fasse pas de mal aux minuscules créatures dans les crevasses du sol.' Telle était ma scrupulosité.
48. "Tel était mon isolement, Sariputta, que[*p.79] je m'enfonçais dans une forêt et que j'y demeurais. Et lorsque je voyais un vacher ou un berger ou quelqu'un en train de ramasser de l'herbe ou du bois mort, ou a bûcheron, je fuyais de bosquet en bosquet, de fourré en fourré, de cuvette en cuvette, de butte en butte. Pourquoi donc? Pour qu'ils ne me voient pas ni que je les voie. De même qu'un daim de la forêt, en voyant des êtres humains, fuit de bosquet en bosquet, de fourré en fourré, de cuvette en cuvette, de butte en butte, de même, lorsque je voyais un vacher ou un berger... Tel était mon isolement.
49. "J'allais à quatre pattes dans les étables lorsque le bétail était sorti et que le vacher les avait laissé, et je me nourrissais de la bouse des jeunes veaux sous la mère. Tant que duraient mes propres excréments et urine, je mangeais de mes propres excréments et urine. Telle était ma grande distorsion en alimentation.
50. "Je pouvais plonger dans quelque bosquet impressionnant et demeurer là -- un bosquet si impressionnant que normalement il ferait dresser les cheveux sur la tête d'un homme s'il n'était pas libre du désir charnel. Quand ces froides nuits d'hiver arrivèrent pendant les 'huit-jours d'intervalle de gel,' je demeurais la nuit à ciel ouvert et le jour dans le bosquet.[18] Au dernier mois de la saison chaude je demeurais le jour à ciel ouvert et la nuit dans le bosquet. Et là me vint spontanément cette stance jamais entendue auparavant:
Transi la nuit et brûlé le jour,
Seul en impressionnants bosquets,
Nu, sans feu près duquel s'asseoir,
Le sage, et pourtant il poursuit sa quête.
51. "Je fis mon lit en un charnier avec les os des morts pour oreiller. Et des vachers vinrent et crachèrent sur moi, urinèrent sur moi, me jetèrent de la terre, et me piquèrent des bâtons dans les oreilles. Et pourtant je ne me rappelle pas avoir jamais eu un mauvais esprit (de haine) contre eux. Tel était mon séjour dans l'équanimité.[*p.80]
52. "Sariputta, il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par la nourriture.'[19] Ils disent: 'Vivons de fruits de kola,' et ils mangent des fruits de kola, ils mangent de la poudre de fruit de kola, ils boivent du jus de fruit de kola, et ils font plusieurs sortes de concoctions de fruit de kola. Je me rappelle maintenant avoir mangé un seul fruit de kola par jour. Sariputta, tu pourrais penser que le fruit de kola était plus gros à cette époque, et pourtant tu ne dois pas le voir comme ça: le fruit de kola était alors au plus de la même dimension que maintenant. En me nourrissant d'un seul fruit de kola par jour, mon corps atteint un état d'extrême émaciation. Comme je mangeais si peu mes membres devinrent comme les segments joints des ceps de vigne ou des tiges de bambou. Comme je mangeais si peu mon dos devint comme un sabot de chameau. Comme je mangeais si peu les projections sur mon échine ressortirent comme des perles enfilées. Comme je mangeais si peu mes côtes ressortirent aussi décharnées que les chevrons irréguliers d'une vieille grange sans toit. Comme je mangeais si peu la lueur de mes yeux se retira au plus profond de leurs orbites, ressemblant à la lueur de l'eau qui s'est retirée au plus profond d'un puits. Comme je mangeais si peu mon scalp se rida et se ratatina de même qu'une gourde amère verte se ride et se ratatine au vent et au soleil. Comme je mangeais si peu, la peau de mon ventre collait à ma colonne vertébrale; de cette manière si je touchais la peau de mon ventre je trouvais ma colonne vertébrale, et si je touchais ma colonne vertébrale je trouvais la peau de mon ventre. Comme je mangeais si peu, si j'essayais de soulager mon corps en me frottant les membres de mes mains, les cheveux, pourris à la racine, tombaient de mon corps comme je frottais.
53-55. "Sariputta, il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par la nourriture.' Ils disent: 'Vivons de fèves'... 'Vivons de sésame'... 'Vivons de riz,' et ils mangent du riz, ils mangent de la poudre de riz,[*p.81] ils boivent de l'eau de riz, et ils font diverses sortes de concoctions avec du riz. Je me rappelle maintenant avoir mangé un seul grain de riz par jour. Sariputta, tu pourrais penser que le grain de riz était plus gros à cette époque, et pourtant tu ne dois pas le voir comme ça: le grain de riz était alors au plus de la même dimension que maintenant. En me nourrissant d'un seul grain de riz par jour, mon corps atteint un état d'extrême émaciation. Comme je mangeais si peu... les cheveux, pourris à la racine, tombaient de mon corps comme je frottais.
56. "Et pourtant, Sariputta, par un tel comportement, par une telle pratique, par une telle performance des austérités, je n'ai atteint aucun état surhumain, aucune distinction en connaissance et vision qui soit digne des nobles personnes. Pourquoi cela? Parce que je n'ai pas atteint cette noble sagesse qui, lorsque on l'atteint, est noble et émancipatoire et mène celui qui pratique selon cette dernière, à la complète destruction de la souffrance.
57. "Sariputta, il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par le cycle des renaissances.' Mais il est impossible de trouver un monde dans le cycle par lequel je ne sois déjà[*p.82] passé au cours de ce long périple, à l'exception de celui des dieux des Pures Demeures; et eussé-je passé par le cycle en tant que dieu dans les Pures Demeures, je ne serais jamais revenu en ce monde.[20]
58. "Il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par (une sorte particulière de) renaissance.' Mais il est impossible de trouver une sorte de renaissance que je n'aie déjà vécu au cours de ce long périple, à l'exception de celui des dieux des Pures Demeures...
59. "Il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par (quelque particulière) demeure.' Mais il est impossible de trouver une sorte de demeure dans laquelle je n'aie déjà demeuré... à l'exception de celle des dieux des Pures Demeures...
60. "Il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par le sacrifice.' Mais il est impossible de trouver une sorte de sacrifice qui n'ait déjà été offert par moi au cours de ce long périple, lorsque j'étais soit un noble roi oint sur la tête ou un brahmane aisé.
61. "Il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'On arrive à la purification par le culte du feu.' Mais il est impossible de trouver une sorte de feu que je n'aie déjà adoré au cours de ce long périple, lorsque j'étais soit un noble roi oint sur la tête ou un brahmane aisé.
62. "Sariputta, il y a certains reclus et brahmanes dont la doctrine et opinion est celle-ci: 'Aussi longtemps que ce brave homme sera toujours jeune, a jeune homme aux cheveux noirs jouissant de la bénédiction de la jeunesse, dans la fleur de l'âge, il sera parfait dans sa lucide sagesse. Mais lorsque ce brave homme sera vieux, âgé, chargé d'ans, avancé en vie, et arrivé au dernier stade, ayant quatre-vingts, quatre-vingt-dix ou cent ans, alors la lucidité de sa sagesse sera perdue.' Mais il ne faut pas le voir comme cela. Je suis maintenant vieux, âgé, chargé d'ans, avancé en vie, et arrivé au dernier stade: mes années ont atteint les quatre-vingts. Or donc, supposons que j'aie quatre disciples à la durée de vie de cent ans, parfaits en attention, en fidélité, en mémoire et en lucidité de sagesse.[21] De même qu'un habile archer, entraîné, pratiqué et vérifié, pourrait facilement tirer une flèche légère à travers l'ombre d'un palmier, supposons que ces disciples fussent au même point parfaits en attention, fidélité,[*p.83] mémoire et lucidité de sagesse. Supposons qu'ils m'interrogeaient continuellement à propos des quatre fondations de l'attention et que je leur répondais lorsqu'on me le demandait et qu'ils se souvenaient de chacune de mes réponses et ne posaient jamais une question subsidiaire ou ni ne faisaient de pause à part pour manger, boire, consommer de la nourriture, goûter, uriner, déféquer et se reposer afin d'enlever le sommeil et la fatigue. Même dans ces conditions, l'exposition du Dhamma du Tathâgata, ses explications des facteurs du Dhamma, et ses répliques aux questions n'auraient pourtant pas de fin, mais entre-temps, ces quatre disciples à moi avec leur durée de vie de cent ans seraient morts à la fin de leurs cent années. Sariputta, même si tu devais me promener sur un lit, il n'y aurait encore aucun changement dans la lucidité de sagesse du Tathâgata.
63. "A dire vrai, s'il devait être dit de quiconque: 'Un être qui n'est pas sujet à l'illusion est apparu en ce monde pour le bien-être et le bonheur de plusieurs, par compassion pour le monde, pour le bien, le bien-être et le bonheur des dieux et des humains,' c'est de moi certes qu'à dire vrai cela devrait être dit."
64. Or à cette occasion le Vénérable Nagasamala était debout derrière le Béni du Ciel en train de l'éventer.[22] Alors il dit au Béni du Ciel: "C'est merveilleux, vénérable monsieur, c'est extraordinaire! Alors que j'écoutais ce discours sur le Dhamma, les poils de mon corps se sont dressés. Vénérable monsieur, quel est le nom de ce discours sur le Dhamma?"
"En l'occurence, Nagasamala, tu peux te rappeler ce discours sur le Dhamma comme 'Le discours qui fait hérisser les poils.' "[23]
C'est là ce que le Béni du Ciel dit. Le Vénérable Nagasamala fut satisfait et ravi des paroles du Béni du Ciel.
[*p.##] Les numéros de page entre parenthèses carrées dans le texte ci-dessus sont ceux de l'édition pâlie de la Pali Text Society.
1. On trouvera l'histoire de la défection de Sunakkhatta dans le Patika Sutta (DN 24). Il devint mécontent du Bouddha et quitta l'Ordre parce que le Bouddha ne voulait pas accomplir de miracles pour lui ou lui expliquer le début des choses. Il montrait également une grande admiration pour ceux qui s'engageaient dans les auto-mortifications, et en voulait probablement au Bouddha d'insister sur une "Voie du Milieu" qui condamnait des austérités aussi extrêmes comme étant sans profit. [Retour]
2. Les états surhumains (uttari manussadhamma) sont des états, des vertus ou des réalisations supérieures aux vertus humaines ordinaires comprises dans les dix lignes de conduite salutaires; ils comprennent les jhânas, les connaissances directes (abhiñña), les chemins et les fruits. "Distinction en connaissance et vision digne des nobles personnes" (alamariyañana-dassanavisesa), expression fréquente dans les suttas, signifie tout degré supérieur de connaissance méditative caractéristique de l'individu noble. Dans le présent contexte, selon le Comm., elle signifie spécifiquement la Voie supramondaine, que Sunakkhatta nie donc au Bouddha. [Retour]
3. L'essentiel de sa critique est que le Bouddha enseigne une doctrine qu'il a simplement élaborée en pensée plutôt qu'une qu'il aurait réalisé grâce à la sagesse transcendentale. Apparemment, Sunakkhatta croit que se faire conduire à la complète destruction de la souffrance est, comme but, inférieur à l'acquisition de pouvoirs miraculeux. [Retour]
4. Toutes les sections qui suivent se veulent une réfutation de la charge de Sunakkhatta contre le Bouddha. Les sections 6-8 couvrent les premières trois des six connaissances directes, les dernières trois apparaissant comme les derniers des dix pouvoirs du Tathâgata. Ces derniers, selon le Comm., doivent être compris comme des pouvoirs de connaissance (ñanabala) qui sont acquis par tout Bouddha comme le résultat de leurs accumulations de mérites. Le Vibhanga de l'Abhidhamma Pitaka en fournit une analyse élaborée, dont on décrira l'essentiel dans les notes subséquentes. [Retour]
5. Le Comm.: La Roue de Brahma (brahmacakka) est la roue suprême, la meilleure, la plus excellente, la Roue du Dhamma (dhammacakka). Ceci comporte deux aspects: la connaissance de la pénétration (pativedhañana) et la connaissance de l'enseignement (desanañana). La connaissance de la pénétration, par laquelle le Bouddha pénètre la vérité du Dhamma, est produite par la sagesse et mène à l'obtention du noble fruit par lui-même; la connaissance de l'enseignement, par laquelle le Bouddha est qualifié pour exposer parfaitement le Dhamma à d'autres, est produit par la compassion et mène les autres à l'obtention du noble fruit. [Retour]
6. Le Comm. glose thana comme cause ou raison (karana) et explique: "Tel et tel dhammas sont causes (hetu), conditions (paccaya), pour que survienne tel et tel dhammas: c'est-à-dire thana. Tel et tel dhammas ne sont pas causes, pas conditions, pour que survienne tel et tel dhammas: c'est-à-dire atthana. Sachant cela, il comprend thana comme thana et atthana comme atthana (i.e., occasion causale comme occasion causale, et occasion non-causale comme occasion non-causale)." Le Comm. renvoie aussi à une explication différente dans le Vibhanga, considérant apparemment les deux explications comme acceptables.
Le Vbh. Section 809 explique cette connaissance en référence à MN 115 comme la connaissance qu'a le Bouddha de ce qui est possible et de ce qui est impossible, par ex., il est impossible qu'une personne en possession de la vue juste considère toute formation comme permanente ou comme agréable, ou quoi que ce soit comme étant soi, alors qu'il est possible qu'un mondain puisse voir les choses d'une telle façon erronée. Il est impossible qu'une personne en possession de la vue juste commette les cinq crimes abominables (matricide, parricide, meurtre d'un Arahant, fait de blesser un Bouddha, causer un schisme dans le Sangha), alors qu'il est possible qu'un mondain commette de tels crimes, etc. etc. [Retour]
7. Vbh. Section 810: "Ici, le Tathâgata comprend qu'il y a des actions mauvaises accomplies qui ne viennent pas à maturité, car elles en sont empêchées par une renaissance fortunée, un corps fortuné, une époque fortunée, un effort fortuné, cependant qu'il y a de mauvaises actions accomplies qui viennent à maturité à cause d'une renaissance infortunée, etc. Il y a de bonnes actions qui ne viennent pas à maturité, car elles en sont empêchées par une renaissance fortunée, etc., cependant qu'il y a de bonnes actions qui viennent à maturité à cause d'une renaissance fortunée, etc." (condensé). [Retour]
8. Vbh. Section 811: "Ici, le Tathâgata comprend comme suit: 'Ceci est la voie, ceci est la pratique qui mène à l'enfer, au monde animal, au plan des fantômes, au monde humain, au domaine des dieux, à la délivrance.' " On élaborera sur cette connaissance plus loin dans les Sections 35-42. [Retour]
9. Vbh. Section 812: "Le Tathâgata comprend les différents agrégats, les différentes bases sensorielles, les différents éléments; il comprend les différents mondes qui ont plusieurs éléments, différents éléments." [Retour]
10. Vbh. Section 813: "Le Tathâgata comprend que les êtres sont d'inclinations inférieures et supérieures, et qu'ils gravitent vers ceux qui partagent leurs propres inclinations" (condensé). [Retour]
11. Vbh. Sections 814-27 donne une analyse détaillée. Le Comm. en expose le sens de façon plus concise comme connaissance par le Tathâgata de la supériorité et infériorité facultés de foi, d'énergie, d'attention, de concentration, et de sagesse des êtres. [Retour]
12. Vbh. Section 828: "La souillure (sankilesa) est un état qui participe de la détérioration; la purification (vodana) est un état qui participe de la distinction; l'émergence (vutthana) est autant une purification que le surgissement d'une réalisation. Les huit libérations (vimokkha) sont énumérées, par ex., dans DN 15/ii,70-71, et comprennent trois libérations qui appartiennent au domaine de la forme matérielle, des quatre réalisations immatérielles, et de la cessation des perception et des sensations. Les neuf réalisations (samapatti) sont les quatre jhanas, les quatre réalisations immatérielles, et la cessation. [Retour]
13. L'idiome yathabhatam nikkhitto evam niraye est malaisé; la version suit ici la glose du Comm.: "Il sera mis en enfer comme s'il avait été emporté et posé là, par les gardiens de l'enfer." Quoiqu'un tel sort puisse paraître excessivement sévère juste pour du dénigrement verbal, il faut se rappeler qu'il est en train de dire du mal d'un Bouddha Pleinement Eveillé dans un esprit de haine, et son intention en ce faisant est d'en décourager d'autres d'entrer dans la voie que pourrait les conduire à la complète libération de la souffrance. [Retour]
14. Les quatre sortes d'intrépidité (vesarajja: également rendu par "bases de la confiance en soi") peuvent se répartir en deux paires. La première paire énonce principalement les qualités intérieures du Bouddha, son accomplissement de perfection personnelle, cependant que la seconde paire est orientée vers l'extérieur, étant essentiellement en rapport avec ses qualifications en tant qu'enseignant. La première intrépidité confirme son accomplissement de l'éveil suprême et l'enlèvement de toute obscurcissement par rapport à l'étendue de ce qui peut être connu; il désigne l'acquisition de l'omniscience par le Bouddha (sabbaññutañana). La seconde souligne sa complète pureté par la destruction de toute souillure; elle désigne son accomplissement du fruit de l'état d'Arahant. La troisième signifie que la compréhension par le Bouddha des obstructions au but est impossible à empêcher, alors que la quatrième confirme l'efficacité du Dhamma en accomplissant son but prévu, autrement dit, qui mène le pratiquant à complète libération de la souffrance. [Retour]
15. Dans la tradition bouddhiste ultérieure, les asuras, titans ou "anti-dieux," sont ajoutés en tant que domaine séparé pour constituer les "six destinations" familières de la Roue tibétaine de la Vie. [Retour]
16. Le Comm.: Même si la description est semblable à celle de la béatitude du monde céleste, le sens est différent. Car la béatitude du monde céleste n'est pas réellement extrêmement plaisante parce que les fièvres du désir charnel, etc. sont toujours présentes là. Mais la béatitude du Nibbâna est extrêmement agréable de toutes les façons grâce à la disparition de toute fièvre. [Retour]
17. Le Comm. explique qu'à ce point, le Bouddha relate ce compte-rendu de ses pratiques ascétiques passées parce que Sunakkhatta était un grand admirateur de l'extrême ascétisme (comme le Patika Sutta le montre clairement) et que le Bouddha voulait qu'il se sache que personne ne pourrait jamais l'égaler dans la pratique des austérités. Les sections 44-56 traitent apparemment des efforts du Bodhisatta pendant les six années d'austérités de sa dernière existence, alors que les sections 57-61 renvoient à ses précédentes existences en tant qu'à la recherche de l'éveil. [Retour]
18. Les "huit-jours d'intervalle de gel" sont un coup de froid habituel à l'Asie du Sud-Est tard en décembre ou au début janvier. [Retour]
19. C'est-à-dire qu'ils soutiennent l'opinion que les êtres sont purifiés par la réduction de leur consommation de nourriture. [Retour]
20. La renaissance dans les Pures Demeures (suddhavasa) n'est possible que pour les non-revenants. [Retour]
21. Le Pali pour les quatre termes est: sati, gati, dhiti, paññaveyyattiya. Le Comm. explique sati comme la capacité à saisir en esprit cent ou mille phrases comme ils sont dites; gati, la capacité à les lier et à les garder à l'esprit; dhiti, la capacité à réciter ce qui a été saisi et retenu; et paññaveyyattiya, la capacité à discerner le sens et la logique de ces phrases. [Retour]
22. Le Vénérable Nagasamala avait été un serviteur personnel du Bouddha pendant les premières vingt années de son ministère. [Retour]
23. Lomahamsanapariyaya. On fait référence à ce sutta sous ce nom dans le Milindapañha, p. 398, et dans le commentaire au Digha Nikaya. [Retour]
Version anglaise d'origine: