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Majjhima Nikaya 24

Ratha-vinita Sutta

Les voitures-relais

D'après la traduction du Pali à l'Anglais par Thanissaro Bhikkhu.
Pour libre distribution. Cet ouvrage peut être republié, reformaté, réimprimé et redistribué par n'importe quel média. L'auteur désire cependant que toute ces republications et redistributions soient mises à disposition du public librement et sans restriction aucune, et que les traductions et autres travaux dérivés soient clairement identifiés comme tels.


J'ai entendu qu'en une occasion le Béni du Ciel demeurait près de Rajagaha dans le Bosquet de Bambous, le Sanctuaire des Ecureuils. Alors un certain nombre de moines du pays natal du [Béni du Ciel], après avoir complété la Retraite de Mousson dans leur pays natal, allèrent voir le Béni du Ciel et, en arrivant, s'étant inclinés devant lui, s'assirent d'un côté.

Comme ils étaient assis là, le Béni du Ciel leur dit, "Moines, celui que, dans notre pays natal, les moines du pays natal -- ses compagnons dans la vie sainte -- estiment de cette manière: 'Ayant peu de besoins lui-même, il donne des conférences aux moines sur la limitation des besoins. Content lui-même, il donne des conférences aux moines sur le contentement. Reclus lui-même, il donne des conférences aux moines sur la réclusion. Sans embrouilles lui-même, il donne des conférences aux moines sur l'absence d'embrouilles. Ayant suscité la persévérance en lui-même, il donne des conférences aux moines sur le fait de susciter la persévérance. Accompli dans sa propre vertu, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la vertu. Accompli dans sa propre concentration, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans concentration. Accompli dans son propre discernement, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans le discernement. Accompli dans sa propre libération, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la libération. Accompli dans sa propre connaissance et vision de la libération, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la connaissance et la vision de la libération.[1] C'est quelqu'un qui exhorte, informe, instruit, incite, excite, et encourage ses compagnons dans la vie sainte.'"

"Seigneur, le moine nommé Punna Mantaniputta (le fils de Mantani) est estimé par les moines du pays natal -- ses compagnons dans la vie sainte -- de cette manière: 'Ayant peu de besoins lui-même, il donne des conférences aux moines sur la limitation des besoins. Content lui-même, il donne des conférences aux moines sur le contentement. Reclus lui-même, il donne des conférences aux moines sur la réclusion. Sans embrouilles lui-même, il donne des conférences aux moines sur l'absence d'embrouilles. Ayant suscité la persévérance en lui-même, il donne des conférences aux moines sur le fait de susciter la persévérance. Accompli dans sa propre vertu, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la vertu. Accompli dans sa propre concentration, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la concentration. Accompli dans son propre discernement, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans le discernement. Accompli dans sa propre libération, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la libération. Accompli dans sa propre connaissance et vision de libération, il donne des conférences aux moines sur l'accomplissement dans la connaissance et la vision de la libération. C'est quelqu'un qui exhorte, informe, instruit, incite, excite, et encourage ses compagnons dans la vie sainte.'"

Or à cette époque, le Vén. Sariputta était assis à peu de distance du Béni du Ciel. Il lui vint à l'esprit que: "C'est un avantage, un grand avantage pour le Vén. Punna Mantaniputta que ses compagnons avisés dans la vie sainte fassent son éloge point par point en présence de l'Enseignant, et que l'Enseignant appuie cet éloge. Peut-être qu'un jour ou l'autre moi aussi, j'irai rencontrer le Vén. Punna Mantaniputta; peut-être aurai-je une conversation avec lui."

Alors le Béni du Ciel, ayant demeuré à Rajagaha aussi longtemps qu'il lui avait plu, partit se promener vers Savatthi. Avançant par étapes, il y arriva et demeura dans le Bosquet de Jeta, le monastère d'Anathapindika. Le Vén. Punna Mantaniputta entendit, "Le Béni du Ciel est arrivé à Savatthi et demeure près de Savatthi dans le Bosquet de Jeta, le monastère d'Anathapindika." Mettant son logement en ordre et prenant ses robes et son bol, il partit pour Savatthi. Avançant par étapes, il alla voir où le Béni du Ciel demeurait dans le Bosquet de Jeta, le monastère d'Anathapindika. A son arrivée, s'étant incliné devant Béni du Ciel, il s'assit d'un côté. Comme il était assis là, le Béni du Ciel l'instruisit, l'incita, l'excita, et l'encouragea avec un discours du Dhamma. Alors le Vén. Punna -- instruit, incité, excité, et encouragé par le discours du Dhamma du Béni du Ciel; se réjouissant et approuvant les paroles du Béni du Ciel -- se leva de son siège, s'inclina devant le Béni du Ciel, fit une circumambulation autour de lui, et s'en alla au Bosquet des Aveugles pour le séjour de la journée.

Alors un certain moine alla trouver le Vén. Sariputta et, en arrivant, lui dit: "Ami Sariputta, le moine nommé Punna Mantaniputta dont tu as si souvent fait l'éloge -- instruit, incité, excité, et encouragé par les discours de Dhamma du Béni du Ciel; se réjouissant et approuvant les paroles du Béni du Ciel -- s'est levé de son siège, s'est incliné devant le Béni du Ciel, a fait une circumambulation autour de lui, et s'est rendu au Bosquet des Aveugles pour le séjour de la journée." Alors le Vén. Sariputta ramassa rapidement son tapis de sol et suivit juste derrière le Vén. Punna, gardant sa tête en vue. Le Vén. Punna s'enfonça dans le Bosquet des Aveugles et s'assit dans l'ombre d'un arbre pour le séjour de la journée. Le Vén. Sariputta lui aussi s'enfonça dans le Bosquet des Aveugles et s'assit dans l'ombre d'un arbre pour le séjour de la journée.

Alors dans la soirée, le Vén. Sariputta se leva de sa réclusion et alla voir le Vén. Punna. A son arrivée, il échangea de courtoises salutations avec lui. Après un échange de salutations amicales et de courtoisies, il s'assit d'un côté. Une fois assis là, il dit au Vén. Punna, "Mon ami, est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel?"

"Oui, mon ami."

"Et est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de vertu?"[2]

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de l'esprit [concentration]?"

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de façon de voir?"

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de la capacité à surmonter la perplexité?"

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie?"

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de connaissance et de vision de la voie?"

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de connaissance et de vision?"

"Non, mon ami."

"Quand on te demande si on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de vertu, tu dis, 'Non, mon ami.' Quand on te demande si on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel en considération de la pureté en termes de l'esprit... de la façon de voir... de la capacité à surmonter la perplexité... de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie... de connaissance et de vision de la voie... de connaissance et de vision, tu dis, 'Non, mon ami.' En considération de quoi, alors, mon ami, est-ce qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel?"

"On vit la vie sainte sous le Béni du Ciel, mon ami, en considération d'une Libération totale grâce à l'absence d'attachement."[3]

"Mais la pureté est-elle en termes de vertu une Libération totale grâce à l'absence d'attachement?"

"Non, mon ami."

"Alors la pureté est-elle en termes de l'esprit... de la façon de voir... de la capacité à surmonter la perplexité... de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie... de connaissance et de vision de la voie... de connaissance et de vision une Libération totale grâce à l'absence d'attachement?"

"Non, mon ami."

"Alors est-ce qu'une Libération totale grâce à l'absence d'attachement se situe à part de ces qualités?"

"Non, mon ami."

"Quand on te demande si la pureté en termes de vertu... de l'esprit... de la façon de voir... de la capacité à surmonter la perplexité... de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie... de connaissance et de vision de la voie... de connaissance et de vision est une Libération totale grâce à l'absence d'attachement, tu dis, 'Non, mon ami.' Mais lorsqu'on te demande si une Libération totale grâce à l'absence d'attachement se situe à part de ces qualités, tu dis, 'Non, mon ami.' Comment donc, mon ami, est-ce que le sens de ces énoncés doit être compris?"

"Si le Béni du Ciel avait décrit la pureté en termes de vertu comme une Libération totale grâce à l'absence d'attachement, mon ami, alors il aurait défini quelque chose qui est toujours accompagnée par l'attachement comme une Libération totale grâce à l'absence d'attachement. Si il avait décrit la pureté en termes de l'esprit... de la façon de voir... de la capacité à surmonter la perplexité... de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie... de connaissance et de vision de la voie... de connaissance et de vision comme une Libération totale grâce à l'absence d'attachement, alors il aurait défini quelque chose qui est toujours accompagnée par l'attachement comme une Libération totale grâce à l'absence d'attachement. Mais si une Libération totale grâce à l'absence d'attachement se situait à part de ces qualités, alors une personne ordinaire serait totalement libérée, en autant qu'une personne ordinaire se situe à part de ces qualités.

"Donc, mon ami, je vais te donner une analogie, car il y a des cas où c'est grâce aux analogies que les gens avisés peuvent comprendre le sens de ce qui est dit. Supposons qu'alors que le roi Pasenadi Kosala demeurait à Savatthi, une affaire urgente devait survenir à Saketa; et que entre Savatthi et Saketa sept voitures-relais étaient préparées pour lui. Sortant par la porte du palais intérieur dans Savatthi, il monterait dans la première voiture-relais. Au moyen de la première voiture-relais il rejoindrait la seconde voiture-relais. Sortant de la première voiture-relais il monterait dans la seconde voiture-relais. Au moyen de la seconde voiture-relais il rejoindrait la troisième... au moyen de la troisième il rejoindrait la quatrième... au moyen de la quatrième, la cinquième... au moyen de la cinquième, la sixième... au moyen de la sixième il rejoindrait la septième voiture-relais. Sortant de la sixième voiture-relais il monterait dans la septième voiture-relais. Au moyen de la septième voiture-relais il arriverait finalement à la porte du palais intérieur à Saketa. Une fois arrivé là, ses amis et compagnons, sa parenté et ses proches parents lui demanderaient, 'Grand roi, êtes-vous venu de Savatthi jusqu'à la porte du palais intérieur de Saketa au moyen de cette voiture?' En répondant de quelle manière, mon ami, le roi Pasenadi Kosala leur répondrait-il correctement?"

"En répondant de cette manière, mon ami, il leur répondrait correctement: 'A l'instant, alors que je me trouvais à Savatthi, une affaire urgente a été soulevée à Saketa; et entre Savatthi et Saketa sept voitures-relais étaient préparées pour moi. Sortant par la porte du palais intérieur dans Savatthi, je suis monté dans la première voiture-relais. Au moyen de la première voiture-relais j'ai rejoint la seconde voiture-relais. Sortant de la première voiture-relais je suis monté dans la seconde voiture-relais. Au moyen de la seconde voiture-relais j'ai rejoint la troisième... au moyen de la troisième j'ai rejoint la quatrième... au moyen de la quatrième, la cinquième... au moyen de la cinquième, la sixième... au moyen de la sixième j'ai rejoint la septième voiture-relais. Sortant de la sixième voiture-relais je suis monté dans la septième voiture-relais. Au moyen de la septième voiture-relais je suis finalement arrivé à la porte du palais intérieur à Saketa.' En répondant de cette manière, il leur répondrait correctement."

"De la même manière, mon ami, la pureté en termes de vertu est simplement en considération de la pureté en termes de l'esprit. La pureté en termes de l'esprit est simplement en considération de la pureté en termes de façon de voir. La pureté en termes de façon de voir est simplement en considération de la pureté en termes de la capacité à surmonter la perplexité. La pureté en termes de la capacité à surmonter la perplexité est simplement en considération de la pureté en termes de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie. La pureté en termes de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie est simplement en considération de la pureté en termes de connaissance et de vision de la voie. La pureté en termes de connaissance et de vision de la voie est simplement en considération de la pureté en termes de connaissance et de vision. La pureté en termes de connaissance et de vision est simplement en considération d'une Libération totale grâce à l'absence d'attachement. Et c'est en considération d'une Libération totale grâce à l'absence d'attachement qu'on vit la vie sainte sous le Béni du Ciel."

Quand ceci eut été dit, le Vén. Sariputta dit au Vén. Punna Mantaniputta: "Quel est ton nom, ami, et comment tes compagnons dans la vie sainte te connaissent-ils?"

"Mon nom est Punna, ami, et mes compagnons dans la vie sainte me connaissent sous le nom de Mantaniputta."

"Qu'il est remarquable, mon ami, qu'il est étonnant, que le Vén. Punna Mantaniputta ait répondu point par point avec un profond, profond discernement à la manière d'un savant disciple qui a correctement compris le message de l'Enseignant! C'est un avantage, un grand avantage, pour tous ses compagnons dans la vie sainte peuvent le voir et lui rendre visite. Même s'ils devaient le porter partout sur un coussin placé au sommet de leurs têtes afin de le voir et de lui rendre visite, ce serait un avantage pour eux, un grand avantage. Et le fait que j'aie pu le voir et lui rendre visite a été un avantage, un grand avantage pour moi."

Quand ceci eut été dit, le Vén. Punna dit au Vén. Sariputta: "Et quel est ton nom, ami, et comment tes compagnons dans la vie sainte te connaissent-ils?"

"Mon nom est Upatissa, ami, et mes compagnons dans la vie sainte me connaissent sous le nom de Sariputta."

"Quoi? Je viens de parler avec le disciple qui est comme l'Enseignant lui-même sans savoir qu'il s'agissait du Vén. Sariputta? Si j'avais su que c'était le Vén. Sariputta, je n'aurais pas répondu de façon aussi exhaustive. Qu'il est remarquable, mon ami, qu'il est étonnant, que le Vén. Sariputta m'ait questionné point par point avec un profond, profond discernement à la manière d'un savant disciple qui a correctement compris le message de l'Enseignant! C'est un avantage, un grand avantage, pour tous ses compagnons dans la vie sainte qui peuvent le voir et lui rendre visite. Même s'ils devaient le porter partout sur un coussin placé au sommet de leurs têtes afin de le voir et de lui rendre visite, ce serait un avantage pour eux, un grand avantage. Et le fait que j'aie pu le voir et lui rendre visite a été un avantage, un grand avantage pour moi."

C'est ainsi que ces deux grands êtres se réjouirent de leurs bonnes paroles respectives.


Notes

1. Voir AN X.69 [Retour]

2. Le Vén. Sariputta et le Vén. Punna parlent de cette liste de sept puretés -- pureté en termes de vertu, d'esprit, de façon de voir, de capacité à surmonter la perplexité, de connaissance et de vision de ce qui est et n'est pas la voie, de connaissance et de vision de la voie, et de connaissance et de vision -- comme si c'était un enseignement qui leur était familier à tous deux, et pourtant nulle part n'est-il mentionné en tant qu'enseignement bouddhiste, dans les discours. L' Atthaka Vagga (Sn IV), cependant, mentionne différent sectaires non-bouddhistes qui parlaient de la pureté comme étant le but de leur enseignement et qui définissaient diversement cette pureté en termes de vertu, de façon de voir, de connaissance, et de pratique. Les sept types de pureté énumérés dans ce discours étaient peut-être à l'origine des enseignements non-bouddhistes qui furent adoptés par la première communauté bouddhiste et adaptés à leurs propres fins afin de montrer que ces sept formes de pureté fonctionnaient non pas en tant qu'objectif de la pratique, mais en tant qu'étapes sur la voie qui mène à cet objectif. Quoi qu'il en soit, cette liste des sept puretés formait le cadre du Visuddhimagga (Le chemin de la pureté) de Buddhaghosa, pierre angulaire de ses commentaires pâli, dans lequel les sept puretés couvrent les trois parties du triple entraînement en vertu, concentration, et discernement. [Retour]

3. Anupada-parinibbana. Le Commentaire donne deux interprétations de ce terme. La première, prenant upadana pour l'attachement, est une Libération totale grâce à l'absence d'attachement. Ceci, y est-il dit, fait référence au fait qu'une Libération totale suit le fruit de l'arahanteté, qui est dépourvu d'attachement. L'autre sens, prenant upadana pour alimentation, est une Libération totale sans alimentation. Ceci, y est-il dit, fait référence au fait qu'une Libération totale est indépendante de toute condition. Pour une explication de ces sens du mot upadana, voir The Mind Like Fire Unbound, chapitre 3. [Retour]


Voir aussi: Sn IV.9.

Version anglaise d'origine:

http://accesstoinsight.org/canon/sutta/majjhima/mn024.html