"Oui, seigneur," répondirent les moines.
"Moines, il y a ces quatre façons d'entreprendre les pratiques. Quelles quatre? Il y a le fait d'entreprendre une pratique qui est agréable au présent mais entraîne de la souffrance pour l'avenir. Il y a le fait d'entreprendre une pratique qui est pénible au présent et entraîne de la souffrance pour l'avenir. Il y a le fait d'entreprendre une pratique qui est pénible au présent mais entraîne du plaisir pour l'avenir. Il y a le fait d'entreprendre une pratique qui est agréable au présent et entraîne du plaisir pour l'avenir.
"Or,, qu'est-ce que le fait d'entreprendre une pratique qui est agréable au présent mais entraîne de la souffrance pour l'avenir? Il y a des prêtres et des contemplatifs qui restent attachés à une doctrine, à une opinion comme celle-ci: 'Il n'y a pas de mal aux plaisirs des sens.' C'est ainsi qu'ils arrivent à leur ruine de par les plaisirs des sens. Ils s'accouplent avec des femmes errantes qui portent leurs cheveux enroulés en chignon.
"Il leur vient à l'esprit: 'Or, quel danger futur est-ce que ces [autres] prêtres et contemplatifs prévoient par rapport aux plaisirs des sens pour qu'ils se soient prononcés en faveur de l'abandon des plaisirs des sens et qu'ils décrivent la pleine compréhension des plaisirs des sens? Il est pourtant agréable, de toucher le bras doux tendre et duveteux de cette femme errante.'
"C'est ainsi qu'ils arrivent à leur ruine de par les plaisirs des sens. Puis, étant arrivés à leur ruine de par les plaisirs des sens, avec la dissolution du corps, après la mort, ils vont à une mauvaise naissance, à l'indigence, au domaine des ombres affamées, en enfer. Là ils ressentent des souffrances aiguës et cuisantes. Ils disent: 'Voici quel était le danger futur par rapport aux plaisirs des sens que ces prêtres et des contemplatifs prévoyaient quand ils préconisaient l'abandon des plaisirs des sens et décrivaient la pleine compréhension des plaisirs des sens. C'est à cause des plaisirs des sens, en raison des plaisirs des sens, que nous ressentons maintenant ces souffrances aiguës et cuisantes.'
"C'est comme si une gousse de maluva grimpant devait s'ouvrir au dernier mois de la saison chaude, et qu'une semence de maluva grimpant devait tomber au pied d'un arbre sala. Le deva qui vit dans l'arbre en serait effrayé, craintif, et anxieux. Ses amis et compagnons, parents et parents proches -- devas des jardins, devas des forêts, devas des arbres, devas des herbes, des gazons, et des cimes des arbres -- se rassembleraient pour le consoler: 'N'aie pas peur, n'aie pas peur. Selon toute vraisemblance un paon avalera sûrement cette semence de maluva grimpant, ou un cerf la mangera, ou un feu de broussailles la brûlera, ou des bûcherons la ramasseront, ou des termites l'emporteront, et de toute façon ce n'est probablement pas vraiment une semence.'
"Et puis aucun paon ne l'avala, aucun cerf ne l'avala, aucun feu de broussailles ne la brûla, aucun bûcheron ne la ramassa, aucun termite ne l'emporta, et c'était vraiment une semence. Arrosée par un nuage chargé de pluie, elle germa comme elle le devait et enroula sa douce et tendre vrille duveteuse autour de l'arbre sala.
"Il vint à l'esprit du deva qui vit dans de l'arbre sala: 'Or, quel danger futur prévoient mes amis et compagnons, parents et parents proches -- devas des jardins, devas des forêts, devas des arbres, devas des herbes, des gazons, et des cimes des arbres -- dans cette semence de maluva grimpant pour qu'ils se soient assemblés pour me consoler: "N'aie pas peur, n'aie pas peur. Selon toute vraisemblance un paon avalera sûrement cette semence de maluva grimpant, ou un cerf la mangera, ou un feu de broussailles la brûlera, ou des bûcherons la ramasseront, ou des termites l'emporteront, et de toute façon ce n'est probablement pas vraiment une semence." C'est agréable au toucher, cette douce et tendre vrille duveteuse de maluva grimpant.'
"Puis la plante grimpante, ayant enveloppé l'arbre sala, en ayant fait un dais par dessus, et tombant en cascades autour de lui, fut cause que les membres massifs de l'arbre sala finirent par s'écrouler. Il vint à l'esprit du deva qui vit dans l'arbre: 'Voici quel était le danger futur que mes amis... prévoyaient dans cette semence de maluva grimpant, pour qu'ils se soient assemblés pour me consoler... C'est à cause de cette semence de maluva grimpant que je ressens maintenant des souffrances aiguës et cuisantes.'
"De la même manière, moines, il y a des prêtres et des contemplatifs qui restent attachés à une doctrine, à une opinion comme celle-ci: 'Il n'y a pas de mal aux plaisirs des sens.' C'est ainsi qu'ils arrivent à leur ruine de par les plaisirs des sens. Ils s'accouplent avec des femmes errantes qui portent leurs cheveux enroulés en chignon.
"Il leur vient à l'esprit: 'Or, quel danger futur est-ce que ces [autres] prêtres et contemplatifs prévoient pour qu'ils enseignent l'abandon et l'analyse des plaisirs des sens? C'est agréable au toucher le doux et tendre, bras duveteux de cette femme errante.'
C'est ainsi qu'ils arrivent à leur ruine de par les plaisirs des sens. Puis, étant arrivés à leur ruine de par les plaisirs des sens, avec la dissolution du corps, après la mort, ils vont à une mauvaise naissance, à l'indigence, au domaine des ombres affamées, en enfer. Là ils ressentent des souffrances aiguës et cuisantes. Ils disent: 'Voici quel était le danger futur par rapport aux plaisirs des sens que ces prêtres et ces contemplatifs prévoyaient quand ils préconisaient l'abandon des plaisirs des sens et décrivaient la pleine compréhension des plaisirs des sens. C'est à cause des plaisirs des sens, en raison des plaisirs des sens, que nous ressentons maintenant ces souffrances aiguës et cuisantes.'
"Voici ce qu'on appelle le fait d'entreprendre une pratique qui est agréable au présent mais entraîne de la souffrance pour l'avenir.
"Et qu'est-ce que le fait d'entreprendre une pratique qui est pénible au présent et entraîne de la souffrance pour l'avenir?
"Il y a le cas où quelqu'un est un ascète sans vêtements[1], qui rejette les conventions, qui lèche ses mains, qui ne vient pas quand sur lui demande, qui ne reste pas quand sur lui demande. Il n'accepte pas la nourriture qu'sur lui porte, ni la nourriture qu'sur lui consacre, ni une invitation à un repas. Il n'accepte rien [qui provienne] de l'embouchure d'un pot ou de l'embouchure d'un bol. Il n'accepte rien au bout d'un bâton, au bout d'un pilon, de deux personnes qui mangent ensemble, de la part d'une femme enceinte, d'une femme qui allaite, d'une femme couchée avec un homme, d'une collecte de nourriture, de là où attend un chien ou bourdonnent des mouches. Il ne prend pas de poisson ou de viande. Il ne boit ni liqueur, ni vin, ou ni boisson fermentée. Il se limite à une maison et une bouchée par jour, ou deux maisons et deux bouchées... sept maisons et sept bouchées. Il survit sur une soucoupe par jour, deux... sept soucoupes par jour. Il prend la nourriture une fois par jour, une fois à tous les deux jours... une fois à tous les sept jours, et ainsi de suite jusqu'à une quinzaine, voué à régler sa consommation de nourriture. C'est un mangeur de verdure, de millet, de riz sauvage, de rognures de cuir, de mousses, de son de riz, de brisures de riz, de farine de sésame, des gazons, ou de bouses de vache. Il survit sur des racines et des baies forestières. IL se nourrit de fruits tombés. Il porte des vêtements de chanvre, de toile, de linceuls, de guenilles de récupération, d'écorce d'arbre, de cuir d'antilope, de bandes de cuir d'antilope, d'herbe kusa, d'écorce, des vêtements de copeaux de bois, des vêtements de cheveux, de laine animale, d'ailes de hibou. Il s'arrache les cheveux et la barbe, il se voue à la pratique de s'arracher les cheveux et la barbe. Il se tient debout, rejette les sièges. Il s'assied les mains autour des genoux, voué à l'effort de s'asseoir les mains autour des genoux. IL couche sur des clous, celui qui fait son lit d'une planche à clous. Il se baigne pour la troisième fois dans la soirée, celui qui se voue à la pratique de se baigner dans l'eau. C'est ainsi qu'il se voue dans une variété de façons à la pratique de tourmenter et de macérer le corps. A la dissolution du corps, après la mort, il a droit à une mauvaise naissance, à l'indigence, au domaine des ombres affamées, à l'enfer.
"Voici ce qu'on appelle le fait d'entreprendre une pratique qui est pénible au présent et entraîne de la souffrance pour l'avenir.
"Et qu'est-ce que le fait d'entreprendre une pratique qui est pénible au présent mais entraîne du plaisir pour l'avenir? Il y a le cas d'une personne qui est normalement fortement passionnée par nature et qui fréquemment ressent de la souffrance et de la peine issues de la passion; d'une personne qui est normalement fortement sujette à l'aversion, par nature, et qui fréquemment ressent de la souffrance et de la peine issues de l'aversion; d'une personne qui est normalement fortement plongée dans l'illusion par nature et qui fréquemment ressent de la souffrance et de la peine issues de l'illusion. Quoique touchée par la souffrance et la peine, pleurant avec le visage plein de larmes, elle vit la vie sainte qui est extrêmement parfaite, pure de façon inégalée. Avec la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaît dans la bonne destination, le monde céleste. Voici ce qu'on appelle le fait d'entreprendre une pratique qui est pénible au présent mais entraîne du plaisir pour l'avenir.
"Et qu'est-ce que le fait d'entreprendre une pratique qui est agréable au présent et entraîne du plaisir pour l'avenir? Il y a le cas d'une personne qui n'est pas normalement fortement passionnée par nature et ne ressent pas fréquemment de la souffrance et de la peine issues de la passion; qui n'est pas normalement fortement sujette à l'aversion par nature et ne ressent pas fréquemment de la souffrance et de la peine issues de aversion; qui n'est pas normalement fortement plongée dans l'illusion par nature et ne ressent pas fréquemment de la souffrance et de la peine issues de l'illusion. Tout à fait retirée de la sensualité, retirée des qualités (mentales) malavisées, elle pénètre et demeure dans le premier jhâna: ravissement et plaisir issues de la retraite, accompagnés par la pensée dirigée et l'évaluation. Avec l'apaisement de la pensée dirigée et l'évaluation, elle pénètre et demeure dans le second jhâna: ravissement et du plaisir issues de concentration, unification de la conscience exempte de la pensée dirigée et l'évaluation -- assurance intérieure. Avec l'estompement du ravissement, elle demeure dans l'équanimité, attentive et vigilante, et physiquement sensible au plaisir. Elle pénètre et demeure dans le troisième jhâna, dont les Noble Personnes déclarent, 'Equanime et attentive, elle jouit d'une situation agréable.' Avec l'abandon du plaisir et de la souffrance -- comme dans le cas de la précédente disparition de l'euphorie et de l'angoisse -- elle pénètre et demeure dans le quatrième jhâna: pureté de l'équanimité et de l'attention, ni plaisir ni souffrance. Avec la dissolution du corps, après la mort, elle réapparaît dans la bonne destination, le monde céleste. Voici ce qu'on appelle le fait d'entreprendre une pratique qui est agréable au présent et entraîne du plaisir pour l'avenir.
"Et telles sont les quatre façons d'entreprendre les pratiques."
Voilà ce que dit le Béni du Ciel. Gratifiés, les moines se réjouirent des paroles du Béni du Ciel.
1. Acelaka. Souvent traduit par "nu," mais ainsi que le montre la description, une telle personne peut porter des vêtements, même si ces derniers ne sont pas faits de tissu. [Retour]