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 Majjhima Nikaya 54

Potaliya Sutta

Pour Potaliya

D'après la traduction du Pâli à l'Anglais par Thanissaro Bhikkhu.
Extrait complété à partir de la version italienne de de Lorenzo

Pour libre distribution. Cet ouvrage peut être republié, reformaté, réimprimé et redistribué par n'importe quel média. L'auteur désire cependant que toute ces republications et redistributions soient mises à disposition du public librement et sans restriction aucune, et que les traductions et autres travaux dérivés soient clairement identifiés comme tels.


J'ai entendu qu'à une occasion le Béni du Ciel demeurait dans la terre des Anguttarâpi, près du bourg d'Âpanam. Là le Béni du Ciel, revêtant sa robe et prenant son écuelle et son manteau, partit demander l'aumône à Âpanam. Lorsqu'après être passé de maison en maison, il eût reçu les aumônes de nourriture, il prit son repas et se rendit dans un bosquet voisin pour y passer la journée. Dans ce bois il s'assit au pied d'un arbre pour y demeurer jusqu'à la tombée de la nuit. Or à ce moment, Potaliya, un maître de maison, enveloppé dans un grand manteau, pourvu de parasol et de sandales, se promenant pour se détendre, entra dans ce bosquet et arriva là où se trouvait le Béni du Ciel. Après un échange de salutations et courtoisies amicales, il s'arrêta d'un côté. Le Béni du Ciel l'invita à s'asseoir s'il le voulait, en s'adressant à lui comme 'maître de maison'. Potaliya en fut troublé et mécontent. Trois fois le Béni du Ciel l'invita à s'asseoir en l'appelant 'maître de maison' et, la troisième fois, Potaliya répondit:

"Il n'est pas convenable, ô Gautama, ce n'est pas juste de me donner le titre de 'maître de maison'."

"Et pourtant, tu as les manières, les traits et le caractère d'un maître de maison!"

"Et pourtant j'ai renoncé à toute activité, j'ai retranché toutes mes affaires."

"Comment cela s'est-il produit?"

"Eh bien voilà, Gautama, tout ce que je possédais en avoirs et en biens, en argent et en or, je l'ai tout donné à mes fils; et je ne me fais le conseiller de personne, je ne me suis gardé que la nourriture et les vêtements."

"Toi, maître de maison, tu parles de te retrancher des affaires, mais c'est autrement dans la discipline du Tathâgata que l'on se retranche des affaires."

"Et comment cela se passe-t-il? Ce serait une bonne chose, seigneur, si vous vouliez m'exposer la doctrine sur la façon dont cela se passe."

"Alors, maître de maison, écoute avec attention: huit choses dans la discipline du Tathâgata font qu'on se retranche des affaires. Ne tuer aucun être fait s'abstenir de tuer des êtres, ne prendre que ce qui est donné fait s'abstenir de prendre ce qui n'est pas donné, dire la vérité fait s'abstenir de mentir, ne pas calomnier fait s'abstenir de dire des calomnies, ne pas désirer de façon avide fait s'abstenir de désir avide, ne pas critiquer et ne pas injurier fait s'abstenir de la critique et de l'injure, ne pas se mettre en colère et ne pas désespérer fait s'abstenir de la colère et du désespoir, ne pas être présomptueux fait s'abstenir de la présomption."

"Ces huit choses que le Béni du Ciel vient de m'indiquer en bref sans s'être étendu en détails, voudrait-il me les exposer en détail, poussé par la compassion!"

"Alors écoute avec attention! Le bon disciple réfléchit: Ces entraves qui pourraient faire de moi un assassin, je commence à m'en défaire, à les rompre: car si je devenais un assassin, je pourrais me mépriser moi-même; et, tout bien considéré, ceux qui réfléchissent pourraient m'en blâmer; ensuite, à la dissolution du corps, après la mort, il pourrait m'en cuire d'avoir tué. Le meurtre est une entrave, un empêchement. Si cependant avec le meurtre surgit un trouble dérangeant, dévorant, cela n'arrive pas à qui ne tue pas. Ces entraves qui pourrait faire de moi un voleur, je commence à m'en défaire, à les rompre: car si je devenais un voleur je pourrais me mépriser moi-même; et, tout bien considéré, ceux qui réfléchissent pourraient m'en blâmer; et après la mort un triste destin m'attendrait. Cela n'arriverait pas si on ne vole pas parce que le vol est une entrave. Il en va de même à mentir, à désirer avec avidité, avec la critique et l'injure, avec la colère et le désespoir, qui sont tous des entraves. Ce sont là, en bref et en détail, les huit choses qui, dans la discipline du Tathâgata, font qu'on se retranche des affaires. Et pourtant, ce n'est pas seulement ainsi, dans la discipline du Tathâgata, qu'en tout et pour tout, et partout, on se retranche des affaires."

"Que le seigneur veuille bien m'enseigner comment cela se passe."

"Supposons qu'un chien, pris de faiblesse et de faim, passait par un abattoir, et que là un boucher adroit ou son apprenti lui jette une chaîne d'os -- bien grattés, sans la moindre chair, couverts de sang. Qu'en pensez-vous: Est-ce que le chien, en mordant cette chaîne d'os -- bien grattés, sans la moindre chair, couverts de sang -- apaiserait sa faiblesse et sa faim?"

"Non, seigneur. Et pourquoi donc? Parce que la chaîne d'os est bien grattée, sans la moindre chair, et couverte de sang. Le chien n'en tirerait rien d'autre que sa part de lassitude et de frustration."

"De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité à une chaîne d'os, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec un discernement correct, tel que c'est réellement, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité,[1] là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Supposons maintenant qu'un vautour, un milan, ou un faucon, se saisissant d'un morceau de chair, décolle, et que d'autres vautours, milans, ou faucons -- le suivant de près -- devaient lui en arracher avec leurs becs et en arracher avec leurs griffes. Qu'en pensez-vous: Si ce vautour, milan, ou faucon ne lâchait pas rapidement ce morceau de chair, ne trouverait-il pas la mort pour cette raison, ou une souffrance semblable à la mort?"

"Oui, seigneur."

"De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité à un morceau de chair, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec discernement correct, tel que c'est réellement, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité, là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Supposons maintenant qu'un homme devait venir contre le vent, en portant une torche d'herbe enflammée. Qu'en pensez-vous: S'il ne lâchait pas rapidement cette torche d'herbe, se brûlerait-il la main ou le bras ou quelqu'autre partie de son corps, de sorte qu'il trouverait la mort pour cette raison, ou une souffrance semblable à la mort?"

"Oui, seigneur."

"De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité à une torche d'herbe, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec discernement correct, tel que c'est réellement, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité, là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Supposons maintenant qu'il y avait une fosse de braises incandescentes, plus profonde que la hauteur d'un homme, pleine de braises qui ne seraient ni enflammées ni fumantes, et qu'un homme devait arriver -- aimant la vie, détestant la mort, aimant le plaisir, abhorrant la douleur -- et que deux hommes forts, le saisissant de leurs bras, devaient le traîner jusqu'à la fosse de braises. Qu'en pensez-vous: L'homme ne tordrait-il pas son corps de ci et de là?"

"Oui, seigneur. Et pourquoi donc? Parce qu'il se rendrait compte, 'Si je tombe dans cette fosse de braises incandescentes, J'y trouverai la mort pour cette raison, ou bien une souffrance semblable à la mort.'"

"De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité à une fosse de braises incandescentes, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec discernement correct, tel que c'est réellement, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité, là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Supposons maintenant qu'un homme, en rêvant, devait voir des parcs ravissants, des forêts ravissantes, de ravissantes étendues de terre, et de ravissants lacs, et qu'à son réveil il devait ne rien voir. De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité à un rêve, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec discernement correct, tel que c'est réellement, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité, là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Supposons maintenant qu'un homme ayant emprunté des biens -- un viril chariot, de fins joyaux, et des ornements d'oreille -- devait se rendre au marché précédé et entouré de ses biens empruntés, et que des gens en le voyant disaient, 'Que cet homme est riche, car c'est ainsi que les riches jouissent de leurs possessions,' mais que les vrais propriétaires, où qu'ils puissent le voir, le dépouillaient à ce moment et à cet endroit de ce qui est leur. Qu'en pensez-vous: Serait-il justifié que l'homme soit vexé?"

"Non, seigneur. Et pourquoi donc? Les propriétaires le dépouillent de ce qui est à eux."

"De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité à des biens empruntés, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec discernement correct, tel que c'est réellement, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité, là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Supposons maintenant que, pas loin d'un village ou d'un bourg, il y avait une dense forêt, et que dans cette forêt, il y avait un arbre aux fruits délicieux et abondants, mais sans aucun fruit tombé par terre. Arriverait un homme, qui désirerait des fruits, en chercherait et tenterait d'en trouver. S'enfonçant dans la forêt, il verrait l'arbre... et il lui viendrait à l'esprit, 'Ceci est un arbre aux fruits délicieux et abondants, et aucun fruit n'est tombé par terre, mais je sais grimper aux arbres. Pourquoi ne pas grimper à l'arbre, manger ce que je veux, et remplir mes vêtements de fruits?' Donc, ayant grimpé à l'arbre, il mangerait ce qu'il voudrait et remplirait ses vêtements de fruits. Et puis un deuxième homme arriverait, qui désirerait des fruits, en chercherait et tenterait d'en trouver et porterait une hache aiguisée. S'enfonçant dans la forêt, il verrait l'arbre... et il lui viendrait à l'esprit, ' Ceci est un arbre aux fruits délicieux et abondants, et aucun fruit n'est tombé par terre, mais je ne sais pas grimper aux arbres. Pourquoi ne pas abattre cet arbre à la racine, manger ce que je veux, et remplir mes vêtements de fruits?' Il abattrait donc l'arbre à la racine. Qu'en pensez-vous: Si le premier homme qui a grimpé à l'arbre n'en redescendait pas rapidement, l'arbre en tombant ne lui écraserait-il pas la main ou le pied ou quelqu'autre partie de son corps, de sorte qu'il trouverait la mort pour cette raison, ou une souffrance semblable à la mort?"

"Oui, seigneur."

"De la même manière, maître de maison, un disciple des nobles personnes considère ce point: 'Le Béni du Ciel a comparé la sensualité aux fruits d'un arbre, de beaucoup de stress, beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients encore.' En voyant ceci avec discernement correct, tel que c'est réellement présent, en évitant ensuite l'équanimité qui provient de la multiplicité, qui dépend de la multiplicité, il développe l'équanimité qui provient de l'unicité, qui dépend de l'unicité, là où l'attachement/alimentation pour les appâts du monde cesse sans trace.

"Or quand le disciple des nobles personnes est arrivé à cette pureté de l'équanimité et de l'attention, il se rappelle ses multiples vies passées, c-à-d., une naissance, deux... cinq, dix... cinquante, cent, mille, cent mille, de nombreux éons de contraction cosmique, de nombreux éons d'expansion cosmique, de nombreux éons de contraction et d'expansion cosmique: 'Là j'avais tel nom, appartenais à tel clan, avais telle apparence. Telle était ma nourriture, telle était mon expérience du plaisir et de la douleur, telle fut la fin de ma vie. Décédant de cet état, je renaquis là. Là aussi j'avais tel nom, appartenais à tel clan, avais telle apparence. Telle était ma nourriture, telle était mon expérience du plaisir et la douleur, telle fut la fin de ma vie. Décédant de cet état, je renaquis ici.' C'est ainsi qu'il se rappelle ses multiples vies passées dans leurs modes et détails.

"Quand le disciple des nobles personnes est arrivé à cette pureté de l'équanimité et de l'attention, il voit -- au moyen de l'oeil divin, purifié et surpassant l'humain -- des êtres décédant et renaissant, et il discerne en quoi ils sont inférieurs et supérieurs, beaux et laids, fortunés et infortunés en accord avec leur kamma: 'Ces êtres -- qui étaient pourvus de mauvaise conduite de corps, parole et esprit, qui insultaient les nobles personnes, soutenaient des vues fausses et entreprenaient des actions sous l'influence des vues fausses -- avec la dissolution du corps, après la mort, ont réapparu dans le plan de la privation, la mauvaise destination, les domaines inférieurs, en enfer. Mais ces êtres -- qui étaient pourvus de bonne conduite de corps, parole, et esprit, qui n'avaient pas insulté les nobles personnes, qui soutenaient des vues correctes et entreprenaient actions sous l'influence de des vues correctes -- avec la dissolution de la corps, après la mort, ont réapparu dans les bonnes destinations, dans le monde céleste.' Ainsi -- au moyen de l'oeil divin, purifié et surpassant l'humain -- il voit des êtres décédant et renaissant, et il discerne en quoi ils sont inférieurs et supérieurs, beaux et laids, fortunés et infortunés en accord avec leur kamma.

"Quand le disciple des nobles personnes est arrivé à cette pureté de l'équanimité et de l'attention, il pénètre et demeure dans la la libération de conscience et la libération de discernement libres de fermentations, les ayant directement connues et réalisées pour lui-même dans l'ici et maintenant.

"C'est dans cette mesure, maître de maison, que l'on se retranche de toutes les manières et tout partout des affaires dans la discipline d'une noble personne. Crois-tu t'être toi aussi retranché des affaires de la même manière?"

"Que suis-je par rapport à la discipline du Béni du Ciel! Je suis bien loin de tout cela! Certes, j'ai cru de certains autres renonçants et ascètes errants qu'ils étaient distincts, alors qu'ils sont ordinaires; je les ai nourris de mets choisis, je les ai honorés de façon spécifique; cependant que j'ai cru que les moines étaient ordinaires, je les ai nourris de mets ordinaires, je les ai honorés de façon ordinaire, à eux qui étaient pourtant distincts. Maintenant, cependant, je voudrais y remédier. Le Béni du Ciel m'a vraiment suscité amour, joie et vénération pour les nobles personnes.

"Excellent, seigneur, excellent! C'est comme si on relevait ce qui avait été renversé, ou qu'on révélait ce qui avait été caché, ou qu'on montrait le chemin à qui s'est perdu, ou qu'on apportait de la lumière dans les ténèbres: 'Qui a des yeux verra les choses': c'est bien ainsi qu'a été exposé de diverses façons la doctrine. Et ainsi, je prends refuge dans le Bouddha, je prends refuge dans le Dhamma et je prends refuge dans le Sangha: que le Béni du Ciel veuille bien me considérer comme un de ses fidèles, à partir d'aujourd'hui et pour toute ma vie."


Note

1. MN 137 (passage § 179 dans The Wings to Awakening) identifie "l'équanimité basée sur la multiplicité" comme équanimité par rapport aux formes, aux sons, aux odeurs, aux goûts, et aux sensations tactile. Il identifie "l'équanimité basée sur l'unicité" comme étant les quatre réussites sans formes. Dans le contexte de ce sutta, cependant, le Commentaire définit l'équanimité basée sur l'unicité comme étant le quatrième jhâna, et cette interprétation paraît correcte. Vers la fin de ce passage, l'équanimité basée sur l'unicité fonctionne comme base des trois connaissances, une fonction qui est normalement remplie par le quatrième jhâna. [Retour]



Version anglaise d'origine:

http://accesstoinsight.org/canon/sutta/majjhima/mn054.html