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Majjhima Nikaya 22

Alagaddupama Sutta

La comparaison du serpent d'eau

D'après la traduction du Pali à l'Anglais par Thanissaro Bhikkhu.
Pour libre distribution. Cet ouvrage peut être republié, reformaté, réimprimé et redistribué par n'importe quel média. L'auteur désire cependant que toute ces republications et redistributions soient mises à disposition du public librement et sans restriction aucune, et que les traductions et autres travaux dérivés soient clairement identifiés comme tels.

Introduction de Thanissaro Bhikkhu

Ceci est un discours sur l'attachement aux vues (ditthi). Son message central est transmis par deux comparaisons, qui comptent parmi les plus célèbres du Canon: la comparaison du serpent d'eau et la comparaison du radeau. Prises ensemble, ces comparaisons mettent l'accent sur l'habileté qu'il faut pour saisir correctement la vue correcte en tant que moyen d'amener à la cessation de la souffrance, plutôt que comme objet d'attachement, et ensuite la laisser tomber quand elle a fait son office.

La première section du discours, qui amène la comparaison du serpent d'eau, met l'accent sur le danger de se méprendre sur le Dhamma en général, et particulièrement sur les enseignements sur la sensualité. Le discours n'explique pas comment le moine coupable, Arittha, a formulé sa méprise sur le Dhamma, mais le Commentaire suggère un scénario plausible:

"Ici le moine... étant allé en réclusion, raisonne comme suit: 'Il y a des gens qui vivent la vie domestique, profitant des cinq plaisirs des sens, qui sont des conquérants du courant, des ne-revient-qu'une-fois, et des ne-reviendra-pas. Pour ce qui est des moines, ils voient des formes agréables connaissables au moyen de l'oeil, de l'oreille... de l'odorat... du goût... de la sensation (agréable), des sensations tactiles connaissables au moyen du corps. Ils font usage de tapis et vêtements moelleux. Tout ceci est correct. Alors pourquoi donc la vue, le son, l'odeur, le goût, et la sensation d'une femme devraient-ils n'être pas corrects? Eux aussi sont corrects!' Ainsi... comparant une semence de moutarde avec le Mont Sumeru, il donne naissance au point de vue pernicieux, 'Pourquoi le Béni du Ciel -- liant l'océan, comme ça se trouve, avec grand effort -- a-t-il formulé la première règle d'entraînement parajika (contre les rapports sexuels)? Il n'y a rien de mal dans cet acte.'"

Peu importe comment Arittha est réellement arrivé à cette position, la suggestion du Commentaire établit un point important: que juste parce qu'on peut logiquement inférer une idée à partir du Dhamma ne signifie pas que l'idée soit valide ou utile. Le Bouddha lui-même enfonce le même clou dans AN II.25:

"Moines, ces deux diffament le Tathâgata. Quels deux? Celui qui explique un discours dont le sens a besoin d'être inféré comme en étant un dont le sens a déjà été pleinement exposé. Et celui qui explique un discours dont le sens a déjà été pleinement exposé comme en étant un dont le sens a besoin d'être inféré..."

Après avoir établi ce point, le discours l'illustre avec la comparaison du serpent d'eau, qui est elle-même une introduction à la comparaison du radeau. Il est important de souligner la connexion entre ces deux comparaisons, car elle échappe souvent à l'attention. Plus d'un lecteur. Cependant, la comparaison du serpent d'eau insiste qu'il faut bien saisir le Dhamma; le truc, c'est du saisir correctement. Lorsque ce point est ensuite appliqué à la comparaison du radeau, l'implication est claire: Il faut tenir correctement le radeau si on veut traverser la rivière. Ce n'est que lorsqu'on a atteint la sécurité de l'autre rive qu'on peut le laisser aller.

Prises ensemble, ces deux comparaisons posent le décor du reste du discours, qui met l'accent sur l'enseignement du non-Soi. Il s'agit ici de l'un des enseignements les plus aisément mal compris du Canon, et ce en grande partie parce qu'il est possible d'en tirer de fausses conclusions.

Deux conclusions erronées sont ici particulièrement évidentes. La première concerne l'étendue de l'enseignement de non-Soi. Certains ont soutenu que puisque le Bouddha limite habituellement ses enseignements sur le non-Soi aux cinq agrégats -- forme, sensation, perceptions, fabrications, et conscience -- il laisse ouverte la possibilité que quelque chose d'autre puisse être considéré comme Soi. Ou bien, ainsi qu'on formule souvent l'argument, il nie le Soi limité, temporel en tant que moyen d'établir notre identité avec un Soi cosmique plus grand, et illimité. Cependant, dans ce discours, le Bouddha formule de façon explicite l'enseignement du non-Soi de telle manière qu'il réfute toute notion de Soi cosmique. Au lieu de centrer sa discussion du non-Soi sur les cinq agrégats, il met l'accent sur les quatre premiers agrégats plus deux autres objets possibles d'auto-identification, qui sont également plus explicitement cosmiques dans leur champ: (1) tout ce qui peut être vu, entendu, ressenti, connu, atteint, recherché, pondéré par l'intellect; et (2) le cosmos en son entier, éternel et immuable. En fait, le Bouddha tourne cette dernière vue en un particulier ridicule, comme étant l'enseignement d'un sot, pour deux raisons qui sont développées à différents points dans ce discours,: (1) Si le cosmos était "moi," il devrait alors être aussi "à moi," ce qui n'est de toute évidence pas le cas. (2) Il n'y a rien dans l'expérience du cosmos qui remplisse les conditions pour être éternel, immuable, ou qui mérite qu'on s'y accroche comme étant "moi" ou "à moi."

La seconde conclusion erronée est que, étant donnée la minutie avec laquelle le Bouddha enseigne le non-Soi, on devrait en tirer la conclusion qu'il n'y a pas de Soi. Cette conclusion est traitée de façon moins explicite dans ce discours, quoiqu'elle soit brièvement abordée en termes de ce que le Bouddha enseigne ici et de comment il l'enseigne.

En termes de quoi, il déclare de façon explicite qu'il ne peut pas imaginer une doctrine du Soi qui, si on s'y accrochait, n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir. Il ne donne pas la liste de toutes les doctrines possibles du Soi qui soient comprises sous cette assertion, mais MN 2 en donne au moins une liste partielle:

J'ai un Moi... Je n'ai pas de Moi... C'est précisément au moyen du Moi que je perçois le Moi... C'est précisément au moyen du Moi que je perçois le non-Moi... C'est précisément au moyen du non-Moi que je perçois le Moi... ou... Ce Moi qui est à moi -- le connaisseur qui est sensible ici et là au mûrissement des bonnes et mauvaises actions -- est le Moi qui est à moi et qui est constant, perpétuel, éternel, pas sujet au changement, et perdurera aussi longtemps que l'éternité. On appelle ceci un maquis de vues, un désert de vues, une contorsion de vues, un grouillement de vues, des chaînes de vues. Liée par des chaînes de vues, la personne ordinaire sans instruction n'n'est pas libérée de la naissance, de la vieillesse, et de la mort, du chagrin, des lamentations, de la douleur, de l'angoisse, et du désespoir. Elle n'est pas libérée, je vous le dis, de la souffrance et du le stress.

Ainsi la vue "Je n'ai pas de Moi" est tout autant une doctrine du Soi que la vue "J'ai un Moi." C'est parce que l'acte d'attachement implique ce que le Bouddha appelle "Fabrication du Je" -- la création d'un sentiment de Soi -- si on devait s'accrocher à la vue qu'il n'y a pas de Soi, on créerait un sentiment très subtil de Soi tout autour de cette vue (voir AN IV.24). Mais, comme il le dit, le Dhamma est enseigné pour "l'élimination de toutes les positions conceptuelles, déterminations, parti-pris, inclinations, et obsessions; pour l'apaisement de toutes fabrications; pour l'abandon de toutes acquisitions; la fin de l'envie insatiable; la dépassion; la cessation; la Libération."  

Ainsi il est important de se concentrer sur le comment le Dhamma est enseigné: Même dans ses enseignements les plus complets sur le non-Soi, le Bouddha ne recommande jamais de substituer le postulat qu'il y a un Soi par le postulat qu'il n'y a pas de Soi. Au contraire, il se contente de faire remarquer les inconvénients des différentes façons de concevoir le Soi et de recommander ensuite des laisser tomber. Par exemple, dans sa série standard de questions qui se construisent sur la logique de l'inconstance et du le stress des agrégats, il ne dit pas que puisque les agrégats sont inconstants et stressants il n'y a pas de Soi. Il se contente de demander, "S'ils sont inconstants et stressants, est-il correct d'assumer qu'ils sont "moi, mon Moi, ce que je suis"? Or donc, puisque le sentiment du Moi est un produit de la "Fabrication du Je," cette question ne cherche à rien faire d'autre que d'induire du désenchantement et de la dépassion pour ce processus de fabrication du Je, afin d'y mettre fin. Une fois qu'il est accompli, l'enseignement a rempli son objectif de mettre fin à la souffrance et au le stress. Telle est la sécurité de l'autre rive. Comme le dit le Bouddha dans ce discours,, "Et précédemment, et maintenant, ô moines, je ne parle que du le stress et de la cessation du le stress." Comme il le dit ici aussi, quand on laisse finalement tomber les vues de Soi, on est libéré de l'agitation; et ainsi que le fait remarquer MN 140, quand on est véritablement sans agitation on est libéré. Le radeau a atteint la rive, et on peut le laisser là -- libre d'aller là où il voudra, d'une manière qui ne peut pas être tracée.


J'ai entendu qu'en une occasion le Béni du Ciel demeurait à Savatthi, au Bosquet de Jeta, le Parc d'Anathapindika. Or donc à cette occasion ce point de vue pernicieux (ditthigata) avait surgi chez le moine Arittha Auparavant-des-tueurs-de-vautours: "Comme je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions." Un grand nombre de moines entendit, "On dit que ce point de vue pernicieux s'est fait jour chez le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours: 'Comme je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions.'" Ils allèrent donc trouver le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours et en arrivant, lui dirent, "Est-il exact, ami Arittha, que ce point de vue pernicieux s'est fait jour chez toi -- 'Comme je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions'?"

"Oui, certes, amis. Je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, et que ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions."

Alors ces moines, désireux d'arracher le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours à ce point de vue pernicieux, l'interrogèrent en tous sens et le tancèrent, en disant, "Ne dis pas cela, ami Arittha. Ne représente pas à tort le Béni du Ciel, car il n'est pas bon de représenter à tort le Béni du Ciel. Le Béni du Ciel ne dirait rien de ce genre. De plusieurs façons, ami, le Béni du Ciel a décrit des actes qui font obstruction, et quand on s'y complait, ils sont d'authentiques obstructions. Le Béni du Ciel a dit que les plaisirs des sens sont de peu de satisfaction, de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. Le Béni du Ciel a comparé les plaisirs des sens à une chaîne d'ossements: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. Le Béni du Ciel a comparé les plaisirs des sens à un tas de viande... une torche d'herbes... une fosse de braises incandescentes... un rêve... des biens empruntés... les fruits d'un arbre... le couperet et le billot d'un boucher... des épées et des lances... la tête d'un serpent: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients." [1] Et pourtant, quoiqu'interrogé en tous sens et tancé par ces moines, le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours, à cause de son entêtement et de son attachement à ce même point de vue pernicieux, persista à dire, "Oui, certes, amis. Je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, et que ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions."

Alors, quand les moines virent qu'ils étaient incapables d'arracher le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours à ce point de vue pernicieux, ils allèrent trouver le Béni du Ciel et en arrivant, s'étant inclinés devant lui, s'assirent d'un côté. Comme ils étaient assis là, ils [lui dirent ce qui s'était passé.]

Le Béni du Ciel dit donc à un certain moine, "Allons, moine. En mon nom, appelle le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours, en disant, 'L'Enseignant t'appelle, ami Arittha.'"

"Comme vous le dites, seigneur," répondit le moine et, étant allé trouver le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours, en arrivant, lui dit, "L'Enseignant t'appelle, ami Arittha."

"Comme vous le dites, mon ami," répondit le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours. Alors il allèrent trouver le Béni du Ciel et, en arrivant, s'étant inclinés devant lui, s'assirent d'un côté. Une fois qu'il fut assis là, le Béni du Ciel lui dit, "Est-il exact, Arittha, que ce point de vue pernicieux s'est fait jour chez toi -- 'Comme je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions'?"

"Oui, certes, seigneur. Je comprends le Dhamma enseigné par le Béni du Ciel, et que ces actes dont dit le Béni du Ciel qu'ils font obstruction, quand on s'y complait, ne sont pas d'authentiques obstructions."

"Homme sans valeur, de qui comme-tu compris ce Dhamma enseigné par moi de cette manière? Homme sans valeur, n'ai-je pas de plusieurs manières décrit des actes qui font obstruction? Et que, quand on s'y complait, ils sont d'authentiques obstructions? J'ai dit que les plaisirs des sens sont de peu de satisfaction, de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. J'ai comparé les plaisirs des sens à une chaîne d'ossements: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. J'ai comparé les plaisirs des sens à un tas de viande... une torche d'herbes... une fosse de braises incandescentes... un rêve... des biens empruntés... les fruits d'un arbre... le couperet et le billot d'un boucher... des épées et des lances... une tête de serpent: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. Mais toi, homme sans valeur, à cause de ta propre saisie erronée [du Dhamma], tu nous comme autant représenté à tort que tu t'es fait du tort et tu comme accumulé beaucoup de démérite pour toi-même, ce qui te conduira à long-terme à tes propres tort et souffrance."[2]

Alors dit le Béni du Ciel aux moines, "Qu'en pensez-vous, moines? Ce moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours est-il même tiède [3] dans cette Doctrine et Discipline?"

"Comment le pourrait-il, seigneur? Non, seigneur."

Quand ceci eut été dit, le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours resta assis en silence, honteux, les épaules affaissées, la tête baissée, ruminant, ne sachant trouver ses mots.

Alors le Béni du Ciel, voyant que le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours restait assis en silence, honteux, les épaules affaissées, la tête baissée, ruminant, ne sachant trouver ses mots, lui dit, "Homme sans valeur, on te reconnaîtra pour ton propre point de vue pernicieux. Je vais contre-interroger les moines sur ce sujet."

Ensuite le Béni du Ciel s'adressa aux moines, "Moines, comprenez-vous, vous aussi, le Dhamma tel qu'enseigné par moi de la même manière que le moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours quand, à cause de sa sa propre saisie erronée, il nous représente à tort autant qu'il se fait tort à lui-même et qu'il accumule beaucoup de démérite pour lui-même?"

"Non, seigneur, car de plusieurs manières le Béni du Ciel nous a décrit ces actes qui font obstruction, et qui, quand on s'y complait, sont d'authentiques obstructions. Le Béni du Ciel a dit que les plaisirs des sens sont de peu de satisfaction, de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. Le Béni du Ciel a comparé les plaisirs des sens à une chaîne d'ossements: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. Le Béni du Ciel a comparé les plaisirs des sens à un tas de viande... une torche d'herbes... une fosse de braises incandescentes... un rêve... des biens empruntés... les fruits d'un arbre... le couperet et le billot d'un boucher... des épées et des lances... une tête de serpent: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients."

"Il est bon, moines, que vous compreniez le Dhamma enseigné par moi de cette manière, car de plusieurs manières je vous ai décrit des actes qui font obstruction, et qui, quand on s'y complait, sont d'authentiques obstructions. J'ai dit que les plaisirs des sens sont de peu de satisfaction, de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. J'ai comparé les plaisirs des sens à une chaîne d'ossements: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. J'ai comparé les plaisirs des sens à un tas de viande... une torche d'herbes... une fosse de braises incandescentes... un rêve... des biens empruntés... les fruits d'un arbre... le couperet et le billot d'un boucher... des épées et des lances... une tête de serpent: de beaucoup du stress, de beaucoup de désespoir, et de plus grands inconvénients. Mais ce moine Arittha, Auparavant-des-tueurs-de-vautours, à cause de sa sa propre saisie erronée [du Dhamma], pas deus a autant représenté à tort qu'il s'est fait du tort à lui-même et a accumulé beaucoup de démérite pour lui-même, et cela entraînera le malheur et la souffrance à long terme pour cet homme sans valeur. Car qu'une personne se complaise dans les plaisirs des sens sans [qu'il en résulte] de la passion des sens, sans [qu'il en résulte] de la perception des sens, sans [qu'il en résulte] de la pensée à propos des sens: Cela n'est pas possible. [4]

La comparaison du serpent d'eau

"Moines, il y a le cas où des gens sans valeur étudient le Dhamma: dialogues, récits mixtes en prose et en vers, explications, gathas en vers, exclamations spontanées, citations, histoires de naissance, événements stupéfiants, sessions de questions et réponses [premières classifications des enseignements du Bouddha ]. Après avoir étudié le Dhamma, ils ne s'assurent pas du sens (ou: du propos) de ces Dhammas [5] au moyen de leur discernement. Ne s'étant pas assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils n'arrivent pas à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils étudient le Dhamma autant pour attaquer les autres que pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils n'atteignent pas le but pour lequel [des gens] étudient le Dhamma. Leur saisie erronée de ces Dhammas entraînera leur malheur et leur souffrance à long terme. Pourquoi est-ce le cas? A cause de la saisie erronée des Dhammas.

"Supposons qu'il y ait un homme qui aurait besoin d'un serpent d'eau, qui chercherait un serpent d'eau, qui irait à la recherche d'un serpent d'eau. En voyant un grand serpent d'eau, il le saisirait par les anneaux ou par la queue. Le serpent d'eau, en se retournant, le mordrait à la main, au bras, ou à l'un de ses membres, et à cause de cela il souffrirait de la mort ou de souffrances semblables à la mort. Pourquoi cela? A cause de sa saisie erronée du serpent d'eau. De même, il y a le cas où des gens sans valeur étudient le Dhamma... Après avoir étudié le Dhamma, ils ne s'assurent pas du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement. Ne s'étant pas assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils n'arrivent pas à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils étudient le Dhamma autant pour attaquer les autres que pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils n'atteignent pas le but pour lequel [des gens] étudient le Dhamma. Leur saisie erronée de ces Dhammas entraînera leur malheur et leur souffrance à long terme. Pourquoi cela? A cause de la saisie erronée des Dhammas.

"Mais ensuite il y a le cas où des hommes de clan étudient le Dhamma... Après avoir étudié le Dhamma, ils s'assurent du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement. Après s'être assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils arrivent à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils n'étudient pas le Dhamma pour attaquer les autres ni pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils atteignent le but pour lequel des gens étudient le Dhamma. Leur saisie correcte de ces Dhammas entraînera leur bien-être et leur bonheur à long terme. Pourquoi cela? A cause de leur saisie correcte des Dhammas.

"Supposons qu'il y ait un homme qui aurait besoin d'un serpent d'eau, qui chercherait un serpent d'eau, qui irait à la recherche d'un serpent d'eau. En voyant un grand serpent d'eau, il le coincerait fermement avec un bâton fourchu. Après l'avoir coincé fermement avec un bâton fourchu, il le saisirait fermement par le cou. Alors peu importe combien le serpent d'eau pourrait enrouler ses anneaux tout autour de sa main, son bras, ou n'importe lequel de ses membres, il ne souffrirait pas à cause de cela de la mort ou de souffrances semblables à la mort. Pourquoi cela? A cause de sa saisie correcte du serpent d'eau. De même, il y a le cas où des hommes de clan étudient le Dhamma... Après avoir étudié le Dhamma, ils s'assurent du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement. Après s'être assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils arrivent à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils n'étudient pas le Dhamma pour attaquer les autres ni pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils atteignent le but pour lequel des gens étudient le Dhamma. Leur saisie correcte de ces Dhammas entraînera leur bien-être et leur bonheur à long terme. Pourquoi cela? A cause de leur saisie correcte des Dhammas. [6]

"En conséquence, moines, quand vous comprenez le sens de mes énoncés, c'est ainsi que vous devez vous les rappeler. Mais quand vous ne comprenez pas le sens de mes énoncés, alors là, vous devriez interroger soit moi, soit les moines expérimentés.

La comparaison du radeau

"Moines, je vais vous enseigner le Dhamma comparé à un radeau, dans le but de traverser, pas dans le but de vous y accrocher. Ecoutez et faites bien attention. Je vais parler."

"Comme vous le dites, seigneur," les moines répondirent au Béni du Ciel.

Le Béni du Ciel dit: "Supposons qu'un homme voyageait au long d'une route. Il verrait une grande étendue d'eau, avec cette rive-ci douteuse et risquée, l'autre rive sûre et exempte de risque, mais sans qu'il y ait ni un traversier ni un pont passant de cette rive à l'autre. La pensée lui viendrait à l'esprit, 'Ici, il y a cette grande étendue d'eau, avec cette rive-ci douteuse et risquée, l'autre rive sûre et exempte de risque, mais sans qu'il y ait ni un traversier ni un pont qui passe de cette rive à l'autre. Et si je rassemblais de l'herbe, des sarments, des branches, et des feuilles, et qu'après les avoir attachés ensemble pour en faire un radeau, je traversais en sécurité sur l'autre rive grâce au radeau, en m'efforçant de mes mains et de mes pieds?' Alors l'homme, après avoir rassemblé de l'herbe, des sarments, des branches, et des feuilles, après les avoir attachés ensemble pour faire un radeau, traverserait en sécurité sur l'autre rive grâce au radeau, en s'efforçant avec ses mains et ses pieds. [7] Après avoir traversé sur l'autre rive, il pourrait se dire, 'Qu'est-ce que ce radeau m'a été utile! Car ce fut grâce à ce radeau que, en m'efforçant de mes mains et de mes pieds, j'ai pu traverser en sécurité sur l'autre rive. Pourquoi n'irais-je donc pas où bon me semble, en le mettant sur ma tête ou en le transportant sur mon dos?' Qu'en pensez-vous, moines: Est-ce que l'homme, en faisant cela, ferait ce qu'il faut faire avec le radeau?"

"Non, seigneur."

"Et que devrait faire l'homme pour faire ce qu'il faut faire avec le radeau? Il y a le cas où l'homme, après avoir traversé, se dirait, 'Qu'est-ce que ce radeau m'a été utile! Car ce fut grâce à ce radeau que, en m'efforçant de mes mains et de mes pieds, j'ai pu traverser en sécurité sur l'autre rive. Pourquoi n'irais-je donc pas où bon me semble, après l'avoir mis au sec, ou l'avoir laissé couler dans l'eau?' Ce faisant, il ferait ce qui doit être fait avec le radeau. De même, moines, j'ai enseigné le Dhamma comparé à un radeau, pour que vous traversiez, pas pour que vous vous y accrochiez. Si vous comprenez le Dhamma tel qu'enseigné comparé à un radeau, vous lâcherez prise même des Dhammas, pour ne rien dire des non-Dhammas."

Six positions conceptuelles

"Moines, il y a ces six positions conceptuelles (ditthitthana). Quelles six? Il y a le cas où an une personne ordinaire, sans instruction -- qui n'a pas de considération pour les nobles personnes, n'est pas bien versée ou disciplinée dans leur Dhamma; qui n'a pas de considération pour les hommes d'intégrité, n'est pas bien versée ni disciplinée dans leur Dhamma -- assume à propos de la forme: 'Ceci est moi, ceci est mon Moi, ceci est ce que je suis.'

"Il assume à propos de la sensation: 'Ceci est moi, ceci est mon Moi, ceci est ce que je suis.'

"Il assume à propos de la perception: 'Ceci est moi, ceci est mon Moi, ceci est ce que je suis.'

"Il assume à propos des fabrications: 'Ceci est moi, ceci est mon Moi, ceci est ce que je suis.'

"Il assume à propos de ce qui est vu, entendu, ressenti, connu, atteint, recherché, pondéré par l'intellect: 'Ceci est moi, ceci est mon Moi, ceci est ce que je suis.'

"Il assume à propos de la position conceptuelle -- 'Ce cosmos est le Soi. [8] Après la mort je serai constant, permanent, éternel, pas sujet au changement. Je vais rester exactement comme cela pour l'éternité': 'Ceci est moi, ceci est mon Moi, ceci est ce que je suis.'

"Puis il y a le cas où un disciple bien instruit des nobles personnes -- qui a de la considération pour les nobles personnes, est bien versé et discipliné dans leur Dhamma; qui a de la considération pour les hommes d'intégrité, est bien versé et discipliné dans leur Dhamma assume à propos de la forme: 'Ceci n'est pas moi, ceci n'est pas mon Moi, ceci n'est pas ce que je suis.'

"Il assume à propos de la sensation: 'Ceci n'est pas moi, ceci n'est pas mon Moi, ceci n'est pas ce que je suis.'

"Il assume à propos de la perception: 'Ceci n'est pas moi, ceci n'est pas mon Moi, ceci n'est pas ce que je suis.'

"Il assume à propos des fabrications: 'Ceci n'est pas moi, ceci n'est pas mon Moi, ceci n'est pas ce que je suis.'

"Il assume à propos de ce qui est vu, entendu, ressenti, connu, atteint, recherché, pondéré par l'intellect: 'Ceci n'est pas moi, ceci n'est pas mon Moi, ceci n'est pas ce que je suis.'

"Il assume à propos de la position conceptuelle -- 'Ce cosmos est le Soi. Après la mort je serai constant, permanent, éternel, pas sujet au changement. Je vais rester exactement comme cela pour l'éternité': 'Ceci n'est pas moi, ceci n'est pas mon Moi, ceci n'est pas ce que je suis.'

"Ce que voyant, il n'est pas agité pour ce qui n'est pas présent." [9]

Quand ceci eut été dit, un certain moine dit au Béni du Ciel, "Seigneur, pourrait-il y avoir de l'agitation sur ce qui n'est pas présent au plan externe?"

"Il se pourrait, moine," dit le Béni du Ciel. "Il y a le cas où quelqu'un pense, 'Oh, c'devait moi! Oh, ce qui devait moi ne l'est pas! Oh, puisse cela être à moi! Oh, je ne l'obtiens pas!' Il se plaint et il en est tourmenté, pleure, bat sa coulpe, et se met à délirer. C'est ainsi que il y a agitation sur ce qui n'est pas présent au plan externe."

"Mais, seigneur, pourrait-il y avoir de la non-agitation sur ce qui n'est pas présent au plan externe?"

"Il se pourrait, moine," dit le Béni du Ciel. "Il y a le cas où quelqu'un ne pense pas, 'Oh, c'devait moi! Oh, ce qui devait moi ne l'est pas! Oh, puisse cela être à moi! Oh, je ne l'obtiens pas!' Il ne se plaint pas, n'en est pas tourmenté, ne pleure pas, ne bat pas sa coulpe, et ne se met pas à délirer. C'est ainsi que il y a non-agitation sur ce qui n'est pas présent au plan externe."

Agitation et Non-Agitation

"Mais, seigneur, pourrait-il y avoir de l'agitation sur ce qui n'est pas présent au plan interne?"

"Il se pourrait, moine," dit le Béni du Ciel. "Il y a le cas où quelqu'un soutient cette vue: 'Ce cosmos est le Soi. Après la mort je serai constant, permanent, éternel, pas sujet au changement. Je vais rester exactement comme cela pour l'éternité.' Il entend un Tathâgata ou d'un Tathâgata disciple enseigner le Dhamma pour l'élimination de toutes les positions conceptuelles, déterminations, parti-pris, inclinations, et obsessions; pour l'apaisement de toutes fabrications; pour l'abandon de toutes acquisitions; la fin de l'envie insatiable; la dépassion; la cessation; la Libération. Il lui vient à l'esprit, 'Il se pourrait donc que je sois annihilé! Il se pourrait donc que je périsse! Il se pourrait donc que je cesse d'exister!' Il se plaint et est tourmenté, pleure, bat sa coulpe, et se met à délirer. C'est ainsi que il y a agitation sur ce qui n'est pas présent au plan interne."

"Mais, seigneur, pourrait-il y avoir de la non-agitation sur ce qui n'est pas présent au plan interne?"

"Il se pourrait, moine," dit le Béni du Ciel. "Il y a le cas où quelqu'un ne soutient pas cette vue: 'Ce cosmos est le Soi. Après la mort je serai constant, permanent, éternel, pas sujet au changement. Je vais rester exactement comme cela pour l'éternité.' Il entend un Tathâgata ou le disciple d'un Tathâgata enseigner le Dhamma pour l'élimination de toutes les positions conceptuelles, déterminations, parti-pris, inclinations, et obsessions; pour l'apaisement de toutes fabrications; pour l'abandon de toutes acquisitions; la fin de l'envie insatiable; la dépassion; la cessation; la Libération. La pensée ne lui vient pas que, 'Il se pourrait donc bien que je sois annihilé! Il se pourrait donc que je périsse! Il se pourrait donc que je cesse d'exister!' Il ne se plaint pas, n'est pas tourmenté, ne pleure pas, ne bat pas sa coulpe, ni ne se met à délirer. C'est ainsi que il y a non-agitation sur ce qui n'est pas présent au plan interne."

Abandon des possessions et des vues

"Moines, vous aimeriez bien posséder cette possession, cette possession qui serait constante, permanente, éternelle, pas sujette au changement, qui resterait exactement comme cela pour l'éternité. Mais voyez-vous cette possession, cette possession qui serait constante, permanente, éternelle, pas sujette au changement, qui resterait exactement comme cela pour l'éternité?"

"Non, seigneur."

"Très bien, moines. Moi non plus, je n'imagine pas une possession, possession qui serait constante, permanente, éternelle, pas sujette au changement, qui resterait exactement comme cela pour l'éternité.

"Moines, vous aimeriez bien vous accrocher à cet attachement à une doctrine du Soi, un attachement qui n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir. Mais voyez-vous un attachement à une doctrine du Soi, un attachement qui n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir?"

"Non, seigneur."

"Très bien, moines. Moi non plus, je n'imagine pas un attachement à une doctrine du Soi, un attachement qui n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir.

"Moines, vous aimeriez bien pouvoir compter sur une dépendance conceptuelle (ditthi-nissaya), qui n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir. Mais voyez-vous une dépendance conceptuelle, qui n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir?"

"Non, seigneur."

"Très bien, moines. Moi non plus, je n'imagine pas une dépendance conceptuelle, qui n'entraînerait pas le chagrin, les lamentations, la douleur, la tristesse, et le désespoir.

"Moines, là où il y a un Soi, y aurait-il [la pensée,] 'appartenant à mon Moi'?"

"Oui, seigneur."

"Ou bien, moines, là où il y a ce qui appartient à Soi, y aurait-il [la pensée,] 'mon Moi'?"

"Oui, seigneur."

"Moines, là où un Soi ou ce qui appartient à Soi ne sont pas épinglés en tant que vérité ou réalité, alors la position conceptuelle -- 'Ce cosmos est le Soi. Après la mort je serai constant, permanent, éternel, pas sujet au changement. Je vais rester exactement comme cela pour l'éternité' -- N'est-ce pas là absolument et complètement [le produit] d'un sot enseignement?"

"Comment pourrait-il en être autrement, seigneur? C'est absolument et complètement [le produit] d'un sot enseignement."

"Qu'en pensez-vous, moines -- La forme est-elle constante ou inconstante?" "Inconstante, seigneur." "Et est-ce que ce qui est inconstant est aisé ou stressant?" "Stressant, seigneur." "Et est-ce qu'il convient de considérer ce qui est inconstant, stressant, sujet au changement comme: 'Ceci est à moi. Ceci est mon Moi. Ceci est ce que je suis'?"

"Non, seigneur."

"...La sensation est-elle constante ou inconstante?" "Inconstante, seigneur."...

"...La perception est-elle constante ou inconstante?" "Inconstante, seigneur."...

"...Les fabrications sont-elles constantes ou inconstante?" "Inconstantes, seigneur."...

"Qu'en pensez-vous, moines -- La conscience est-elle constante ou inconstantes?" "Inconstante, seigneur." "Et est-ce que ce qui est inconstant est aisé ou stressant?" "Stressant, seigneur." "Et est-ce qu'il convient de considérer ce qui est inconstant, stressant, sujet au changement comme: 'Ceci est à moi. Ceci est mon Moi. Ceci est ce que je suis'?"

"Non, seigneur."

"Ainsi, moines, toute forme, quelle qu'elle soit, toute sensation quelle qu'elle soit, passée, future, ou présente; interne ou externe; évidente ou subtile; commune ou sublime; éloignée ou proche: toute forme doit être vue telle qu'elle est réellement avec le discernement correct comme: 'Ceci n'est pas à moi. Ceci n'est pas mon Moi. Ceci n'est pas ce que je suis.'

"Toute sensation, quelle qu'elle soit...

"Toute perception, quelle qu'elle soit...

"Toutes fabrications, quelles qu'elles soient...

"Toute conscience, quelle qu'elle soit qui soit passée, future, ou présente; interne ou externe; évidente ou subtile; commune ou sublime; éloignée ou proche: toute conscience doit être vue telle qu'elle est réellement avec le discernement correct comme: 'Ceci n'est pas à moi. Ceci n'est pas mon Moi. Ceci n'est pas ce que je suis.'

"Ce que voyant, le disciple instruit des nobles personnes se désenchante de la forme, se désenchante de la sensation, se désenchante de la perception, se désenchante des fabrications, se désenchante de la conscience. Désenchanté, il se dépassionne. Grâce à la dépassion, il est pleinement libéré. Avec la pleine libération, il y a la connaissance de, 'Pleinement libéré.' Il discerne que 'La naissance est finie, la vie sainte remplie, la tâche accomplie. Il n'y a rien de plus pour ce monde.'

"Ceci, moines, s'appelle un moine dont la traverse est rejetée, [10] le fossé comblé, le pilier arraché, la barre enlevée, un noble dont la bannière est en berne, le fardeau déposé, sans chaînes.

"Et comment un moine est-il quelqu'un dont la traverse est rejetée? Il y a le cas où l'ignorance d'un moine est abandonnée, sa racine détruite, comme un palmier déraciné, privé des conditions de l'existence, pas destiné à une naissance future. C'est ainsi qu'un moine est quelqu'un dont la traverse est rejetée.

"Et comment un moine est-il quelqu'un dont le fossé est comblé? Il y a le cas où l'errance d'un moine à la naissance, entraînant un devenir ultérieur, est abandonnée, sa racine détruite, comme un palmier déraciné, privé des conditions de l'existence, pas destiné à une naissance future. C'est ainsi qu'un moine est quelqu'un dont le fossé est comblé.

"Et comment un moine est-il quelqu'un dont le pilier est arraché? Il y a le cas où l'envie insatiable d'un moine est abandonnée, sa racine détruite, comme un palmier déraciné, privé des conditions de l'existence, pas destiné à une naissance future. C'est ainsi qu'un moine est quelqu'un dont le pilier est arraché.

"Et comment un moine est-il quelqu'un dont la barre est enlevée? Il y a le cas où les cinq fers inférieurs d'un moine sont abandonnés, leur racine détruite, comme un palmier déraciné, privé des conditions de l'existence, pas destiné à une naissance future. C'est ainsi qu'un moine est quelqu'un dont la barre est enlevée.

"Et comment un moine est-il un noble dont la bannière est en berne, le fardeau est déposé, sans chaînes? Il y a le cas où l'orgueil d'un moine 'je suis' est abandonné, sa racine détruite, comme un palmier déraciné, privé des conditions de l'existence, pas destiné à une naissance future. C'est ainsi qu'un moine est un noble dont la bannière est en berne, le fardeau est déposé, sans chaînes.

"Et quand les devas, ensemble avec Indra, les Brahmas, et Pajapati, cherchent le moine dont l'esprit est ainsi libéré, ils ne peuvent pas trouver ce 'La conscience de qui est véritablement allé (tathâgata) [11] dépend de ceci.' Pourquoi cela? Celui qui est véritablement allé ne peut être tracé même dans l'ici et maintenant. [12]

"En parlant de cette manière, en enseignant de cette manière, j'ai été erronément, vainement, faussement, incorrectement représenté à tort par des brahmanes et des contemplatifs [qui disent], 'Gotama le contemplatif est quelqu'un qui induit en erreur. Il déclare l'annihilation, la destruction, l'extermination de l'être existant.' Mais comme je ne suis pas cela, comme je ne dis pas cela, j'ai donc été erronément, vainement, faussement, incorrectement représenté à tort par ces vénérables brahmanes et contemplatifs [qui disent], 'Gotama le contemplatif est quelqu'un qui induit en erreur. Il déclare l'annihilation, la destruction, l'extermination de l'être existant.' [13]

"Autant auparavant que maintenant, moines, je n'enseigne que le stress et la cessation du stress. [14] Et si les autres insultent, injurient, taquinent, ennuient, et harcèlent le Tathâgata pour cela, il ne ressent pas de haine, pas de ressentiment, pas d'insatisfaction dans son coeur à cause de cela. Et si les autres honorent, respectent, révèrent, et vénèrent le Tathâgata pour cela, il ne ressent pas de joie, pas de bonheur, pas de exaltation dans son coeur à cause de cela. Et si les autres honorent, respectent, révèrent, et vénèrent le Tathâgata pour cela, il pense, 'Ils me rendent hommage pour ce qui a déjà été compris.' [15]

"Donc, moines, si les autres vous insultent, injurient, taquinent, ennuient, et harcèlent vous aussi, vous ne devriez pas ressentir de haine, de ressentiment ni d'insatisfaction dans votre coeur à cause de cela. Et si les autres vous honorent, respectent, révèrent, et vénèrent vous aussi, vous ne devriez pas ressentir de joie, de bonheur ni d'exaltation dans votre coeur à cause de cela. Et si les autres vous honorent, respectent, révèrent, et vénèrent, vous devriez penser, 'Ils nous rendent [16] hommage pour ce qui a déjà été compris.'

"Donc, moines, tout ce qui n'est pas à vous: Laissez-le aller. Que vous le laissiez tomber sera pour votre bien-être et bonheur à long terme. Et qu'est-ce qui n'est pas à vous? La forme (corps) n'est pas à vous: Laissez-la aller. Que vous la laissiez tomber sera pour votre bien-être et bonheur à long terme. La sensation n'est pas à vous... La perception... Les fabrications mentales... La conscience n'est pas à vous: Laissez-la aller. Que vous la laissiez tomber sera pour votre bien-être et bonheur à long terme.

"Qu'en pensez-vous, moines: Si une personne devait ramasser ou brûler ou en faire à sa guise avec de l'herbe, des sarments, des branches et des feuilles ici dans le Bosquet de Jeta, vous viendrait-il à l'idée, 'C'est nous que cette person ramasse, brûle, ou avec laquelle elle fait à sa guise'?"

"Non, seigneur. Pourquoi cela? Parce que ces choses ne sont pas notre Moi, ni n'appartiennent à notre Moi."

"De même, moines, tout ce qui n'est pas à vous: Laissez-le aller. Que vous le laissiez tomber sera pour votre bonheur et votre bien-être à long-terme. Et qu'est-ce qui n'est pas à vous? La forme n'est pas à vous... La sensation n'est pas à vous... La perception... Les fabrications mentales... La conscience n'est pas à vous: Laissez-les aller. Que vous le laissiez tomber sera pour votre bonheur et votre bien-être à long-terme.

Le Dhamma bien proclamé

"Le Dhamma ainsi bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux. Dans le Dhamma ainsi bien proclamé par moi -- clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux -- il y a pour ces moines qui sont arahants -- dont les écoulements mentaux sont finis, qui ont atteint la réalisation, accompli la tâche, posé le fardeau, atteint le but véritable, totalement détruit la chaîne du devenir, et qui sont libérés à cause de leur connaissance correcte -- pas de cycle (futur) de manifestation. C'est ainsi que le Dhamma bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux. [17]

"Dans le Dhamma ainsi bien proclamé par moi -- clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux -- ces moines qui ont abandonné les cinq liens inférieurs renaîtront tous [dans les Pures Demeures], pour y être totalement libérés, et ne plus jamais revenir en ce monde. C'est ainsi que le Dhamma bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux.

"Dans le Dhamma ainsi bien proclamé par moi -- clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux -- ces moines qui ont abandonné les trois liens, avec l'atténuation de la passion, de l'aversion, et de l'illusion, sont tous des ne-revient-qu'une-fois qui, en ne revenant qu'une fois de plus en ce monde, mettront fin au stress. C'est ainsi que le Dhamma bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux.

"Dans le Dhamma ainsi bien proclamé par moi -- clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux -- ces moines qui ont abandonné les trois liens, sont tous des conquérants du courant, solides, plus jamais destinés aux états de malheur, en route pour l'auto-éveil. C'est ainsi que le Dhamma bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux.

"Dans le Dhamma ainsi bien proclamé par moi -- clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux -- ces moines qui sont Les fidèles du Dhamma et ceux qui sont fidèles à leurs convictions [18] sont tous en route pour l'auto-éveil. C'est ainsi que le Dhamma bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux.

"Dans le Dhamma ainsi bien proclamé par moi -- clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux -- ces moines qui ont une mesure [suffisante] de conviction en moi, une mesure [suffisante] d'amour pour moi, sont tous en route pour le ciel. C'est ainsi que le Dhamma bien proclamé par moi est clair, ouvert, évident, dépouillé de ses oripeaux."

Voilà ce que dit le Béni du Ciel. Gratifiés, les moines se réjouirent des paroles du Béni du Ciel.


Notes

1. Les sept premières de ces comparaisons sont traitées en détail dans MN 54. La comparaison du couperet et du billot d'un boucher est mentionnée dans MN 23, la comparaison des épées et des lances dans SN V.1, et la comparaison de la tête de serpent dans Sn IV.1. [Retour]

2. A part quelques détails mineurs, cette histoire est jusqu'ici identique avec l'histoire originale de Pacittiya 68 et l'histoire originale des règles qui concernent l'acte de bannissement donné dans Cullavagga (Cv) I.32.1-3. Arittha fut le premier moine à être banni du Sangha. Cv I.34 rapporte que, au lieu de s'efforer de corriger ses manières de sorte que l'acte de bannissement pusse être rescindé, il se contenta de défroquer. [Retour]

3. L'image est ici apparemment celle de tenter d'allumer un feu avec la friction d'un bâton à feu. Arittha n'a même pas été capable de créer la moindre chaleur, encore moins l'étincelle de pénétration qui pourrait créer la lumière. [Retour]

4. Selon le Commentaire, "se complaire dans les plaisirs des sens" signifie ici se complaire dans les rapports sexuels; le Sous-commentaire ajoute que d'autres actes qui expriment le désir sexuel -- tels que les embrassades et le pelotage -- doivent également être compris sous cette phrase. [Retour]

5. Le pâli passe ici du singulier (Dhamma) au pluriel (Dhammas). Ceci est l'un des quelques discours qui font usage du pluriel pour signifier "enseignements" plutôt que "phénomènes." Ce même usage de "Dhammas" pour signifier "enseignements" réapparaît dans la comparaison du radeau, plus bas. [Retour]

6. Ces deux dernières phrases manquent dans The Middle Length Discourses of le Bouddha mais sont présentes dans The Middle Length Sayings. [Retour]

7. Selon SN XXXV.197: "La grande étendue d'eau veut dire le quadruple flot: le flot de la sensualité, le flot du devenir, le flot des vues, et le flot de l'ignorance. Cette rive-ci, douteuse et risquée, veut dire l'identité du Soi. L'autre rive, sûre et exempte de risque, veut dire la Libération. Le radeau veut dire rien d'autre que ce noble octuple sentier: la vue correcte...la concentration correcte.   S'efforcer des mains et des pieds veut dire susciter la persévérance." [Retour]

8. Le pâli donne ici la leçon, so loko so atta. La traduction donnée ici suit l'interprétation de Nyanaponika Thera dans sa traduction de ce discours. Bhikkhu Bodhi, dans ses notes à la traduction de ce discours, dans The Middle Length Discourses of le Bouddha, dit de cette interprétation qu'elle est hypothétique, et suggère plutôt que cette phrase indique la théorie Sankhya de la "personne" immuable comme s'opposant à la "nature" immuable. Cependant, dans sa dernière traduction de SN XXII.81, qui contient un passage identique, il adopte aussi l'interprétation de Nyanaponika. [Retour]

9. Sur la non-agitation, voir MN 138 et MN 140. [Retour]

10. Voir Dhp 398. [Retour]

11. Le terme "tathâgata" est souvent, mais pas toujours, réservé au Bouddha. Parfois, comme c'est le cas ici, il fait référence à l'arahant. [Retour]

12. Voir SN XXII.85 et SN XXII.86. Comparer aussi avec Dhp 92-93. [Retour]

13. L'annihilationisme est l'une des deux vues erronées extrêmes que critique le plus lourdement le Bouddha (L'autre est l'éternalisme, représenté par la sixième des six positions conceptuelles). Certains interprètes, en citant ce passage, ont tenté de limiter le sens de l'annihilationisme à la seule idée de l'annihilation d'un être existant. L'enseignement qu'il n'y a pas de Soi, soutiennent-ils ensuite, ne compte pas pour l'annihilationisme puisqu'il n'y a pas de Soi qui se puisse annihiler. Ceci interprétation ignore SN XLIV.10, qui compte l'assertion "il n'y a pas de Soi" comme prenant le parti de l'annihilationisme. [Retour]

Pour ce qui est du terme, "être existant": SN XXII.36 et SN XXIII.2 disent qu'un être se définit par ses objets d'attachement. SN V.10 indique qu'une des façons de surmonter l'attachement est de se concentrer sur la façon dont le concept "d'être" surgit, sans assumer la vérité du concept. Et comme MN 72, SN XXII.85, et SN XXII.86 le soutiennent, quand l'attachement est parti, on ne s'appelle pas un être mais un tathâgata -- qui, libéré de l'attachement, ne peut pas être classé comme ou identifié avec quoi que ce soit.

14. Certains ont suggéré, citant SN XII.15, que ce passage signifie qu'il n'y a que deux choses qui se produisent en réalité: le stress et la cessation du stress. Cependant, dans le contexte de SN XXII.86, où cette assertion est également portée, cela signifie clairement et simplement que le Bouddha est sélectif dans les sujets qu'il choisit de traiter. Dans ce discours, il refuse de prendre position sur questions regarding the ontological status du Tathâgata after de la mort. Here il refuse de prendre position sur la question relative au statut de "l'être existant" (voir note 13). Dans tous les cas, le Bouddha choisit de ne prendre position que sur des questions où le processus d'y répondre ests susceptible d'entraîner à terme l'Eveil. Sur ce point, voir MN 63 et SN LVI.31. [Retour]

15. Selon le Commentaire, "ceci" fait ici référence aux cinq agrégats. Comme le fait remarquer SN XXII.23, "compréhension" signifie la fin de la passion, de l'aversion, et de l'illusion par rapport à l'objet qui est compris. Autrement dit, le Bouddha voit que les honneurs et le respect qu'il reçoit est dirigé vers les cinq agrégats; puisqu'il n'a ni passion, ni aversion, ni illusion par rapport à ces agrégats, il n'est pas réjoui à l'excès par un hommage qui leur serait rendu. [Retour]

16. L'édition thaï du Canon Pâli a le mot "nous" ici, cependant que la birmane, la cinghalese, et la PTS ont "moi." [Retour]

17. Cette dernière phrase manque de ce paragraphe et de tous les paragraphes suivants autant dans The Middle Length Discourses of le Bouddha (Bhikkhu Ñanamoli et Bhikkhu Bodhi, trad.; Boston: Wisdom Publications, 1995) et dans The Middle Length Sayings (3 vols.; I.B. Horner, trad.; Oxford: Pali Text Society, 1954-1959). [Retour]

18. Les fidèles du Dhamma et ceux qui sont fidèles à leurs convictions sont apparemment ceux qui suivent la voie de l'entrée dans le courant mais doivent encore atteindre le fruit de l'entrée dans le courant. [Retour]


Version anglaise d'origine:

http://accesstoinsight.org/canon/sutta/majjhima/mn022.html