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Itivuttaka

Ceci a été dit par le Bouddha

D'après la traduction du Pali à l'Anglais par Thanissaro Bhikkhu.
© 2001 Thanissaro Bhikkhu

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Table des matières


Introduction du traducteur

L'Itivuttaka, une collection de 112 courts discours, tire son nom dela phrase d'ouverture de chacun de ses discours: ceci (iti) a été dit (vuttam) par le Béni du Ciel. La collection est dans son ensemble attribuée à une laïque du nom de Khujjuttara, qui travaillait au palais du roi Udena du Kosambi comme suivante de l'une de ses reines, Samavati. Comme la reine ne pouvait quitter le palais pour entendre les discours du Bouddha, Khujjuttara y allait à sa place, mémorisait ce qu'avait dit le Bouddha, et revenait alors au palais pour enseigner à la reine et à ses 500 dames de compagnie. Pour ses efforts, le Bouddha cita Khujjuttara comme étant la première de ses disciples laïques, en matière de connaissances. Elle était également une enseignante efficace: lorsque les appartements privés du palais brûlèrent ultérieurement, tuant la reine et son entourage, le Bouddha commenta (in Udana VII.10) que toutes ces femmes avaient atteint au moins le premier niveau de l'Eveil.

Le nom de l'Itivuttaka est compris dans la liste standard primitive des neuf divisions des enseignements du Bouddha -- une liste antécédente à l'organisation du Canon pali tel que nous le connaissons aujourd'hui. Il est pourtant impossible de déterminer dans quelle mesure l'Itivuttaka actuel correspond à celui qui est mentionné dans cette liste. Le Canon chinois contient une traduction d'un Itivuttaka, attribuée à Hsüan-tsang, et qui ressemble fortement au texte de l'Itivuttaka pali, la principale différence étant que des parties du Groupe des Trois et l'ensemble du groupe des Quatres manquent dans la traduction de Hsüan-tsang. Soit ces parties sont des additions ultérieures au texte qui se sont insinuées dans la version palie, mais pas dans la version sanscrite traduite par Hsüan-tsang, soit la version sanscrite était incomplète, soit la traduction de Hsüan-tsang est restée inachevée (elle date des derniers mois de sa vie).

L'histoire ancienne de l'Itivuttaka est rendue encore plus complexe par le fait qu'il s'agissait au départ d'une tradition orale mise par écrit plusieurs siècles après le parinirvâna du Bouddha. Pour une discussion du problème, voir les Notes historiques (en anglais) en annexe à Dhammapada: A Translation.

Peu importe l'histoire du texte, pourtant, il a toujours fait partie des collections préférées dans le Canon pali, car il couvre un large éventail des enseignements du Bouddha -- du plus simple au plus profond -- dans une forme qui est accessible, attirante, et pertinente.

Pourtant, même si les discours de l'Itivuttaka couvrent de nombreux sujets, ils se rattachent tous à un thème commun: les conséquences de nos actions, ou kamma. Etant donné la centralité de ce thème et qu'il est si communément compris de travers, j'aimerais ici l'expliquer brièvement.

Les enseignements du Bouddha sur l'action, ou kamma, et ses enseignements connexes sur la renaissance, sont souvent rejetés comme étant non-essentiels, quelque chose qu'il a tout simplement récupéré de son environnement indien. Ils sont en fait centraux dans son enseignement, et forment l'une de ses intuitions les plus originales. Quoique nombre de personnes assurent que le Bouddha tirait ses enseignements sur le kamma d'une conception d'ensemble du cosmos, la ligne de la preuve expérimentale se trouve en fait renversée. Après avoir directement observé et analysé le rôle de l'action dans la formation de son expérience du temps, il a ensuite suivi les implications de ses observations pour confirmer sa vision du processus de la renaissance et la structure du cosmos couverts par l'étendue du temps.

Au cours de son Eveil, le Bouddha a découvert que l'expérience du moment présent consiste de trois facteurs: résultats d'actions passées, actions présentes, et les résultats des actions présentes. Ce qui signifie que le kamma agit en boucles rétroactives, dans lesquelles le moment présent est formé autant par le passé que par les actions présentes; cependant que les actions présentes forment non seulement le présent mais aussi le futur. Cette constante ouverture à l'introduction au présent des processus causals qui forment notre vie rend possible le libre arbitre. En fait, la volonté -- ou intention -- forme l'essence de l'action. Qui plus est, la qualité de l'intention détermine la qualité de l'acte et de ses résultats. Au niveau mondain, il y a trois types d'intentions: avisées, qui mènent à des résultats plaisants; malavisées, qui mènent à des résultats désagréables; et mélangées, qui mènent à des résultats mélangés, tous ces résultats étant vécus dans l'espace-temps. Cependant, le fait que l'expérience de l'espace-temps requière non seulement les résultats d'actions passées mais aussi l'influence d'actions présentes signifie qu'il est possible de démêler l'expérience de l'espace-temps en amenant l'esprit à un point d'équilibre où il ne contribue plus ni intentions ni actions au moment présent. Les intentions qui convergent vers cet équilibre sont donc un quatrième type d'intention -- transcendant les intentions avisées -- qui conduisent à la libération des résultats des intentions mondaines, et en fin de compte à la fin de toute action.

La perception directe qu'avait le Bouddha du pouvoir de l'intention lui confirmait le processus de la renaissance: si l'expérience du moment présent requiert l'influence des intentions passées, alors il n'y a pas moyen de tenir compte d'aucune autre expérience au début de la vie qu'au travers des intentions d'une durée de vie précédente. En même temps, le pouvoir de la qualité de l'intention fournissait le cadre de la vision cosmique du Bouddha dans laquelle le processus de la renaissance a lieu: il existe des niveaux agréables de la renaissance -- les mondes de Brahma et des devas supérieurs; des niveaux déplaisants -- l'enfer, le domaine des ombres affamées, celui des animaux, et celui des titans en colère; et des niveaux mélangés -- le domaine humain et certains des domaines divins inférieurs. Mais même aux niveaux plaisants de renaissance, le plaisir est instable et impermanent, et ne donne aucune libération de la souffrance et de la douleur. La seule libération qui soit sûre nous vient des intentions avisées transcendantes, qui conduisent à l'expérience de nibbana, totalement au-delà du processus de la renaissance et des contraintes de l'espace-temps.

Le nibbana lui-même is totalement inconditionné et ne peut donc être analysé, à part d'une distinction dans la façon dont il est vécu avant et après la mort (voir §44). Cependant, la voie de la pratique qui mène au nibbana peut être analysée. Elle comporte huit facteurs -- vue correcte, intention correcte, parole correcte, action correcte, moyens de vie corrects, effort correct, attention correcte, et concentration correcte -- et passe par quatre niveaux d'Eveil. Les textes les plus anciens en disent très peu sur le contenu de ces expériences d'Eveil, mais ils sont très spécifiques sur la façon dont ces expériences fonctionnent en effectuant des changements durables dans l'esprit. L'entrée dans le courant -- par laquelle on entre dans le "courant" vers le nibbana, obtenant ainsi son premier aperçu du sans-mort et coupant à travers des chaînes mentales des vues d'identité du soi, de l'incertitude, et de la saisie des préceptes et des pratiques -- assure qu'on renaîtra tout au plus sept fois encore. Le retour une seule fois assure qu'on ne renaîtra au niveau humain qu'une seule fois de plus. Le non-retour -- qui coupe au travers des chaînes mentales de la passion sensuelle et de la résistance -- assure qu'on ne renaîtra plus jamais au niveau humain. Si on ne va pas plus loin dans cette vie, on renaîtra dans l'un des cinq domaines de Brahma, domaines appelés Terres Pures, et on y atteindra le plein Eveil. l'état d'arahant -- qui coupe à travers des chaînes mentales de la passion pour la forme, de la passion pour le sans-forme, de l'instabilité, de l'orgueil et de l'ignorance -- nous libère entièrement de la souffrance causées par l'avidité et du cycle des renaissances dans son ensemble.

Ceci est donc la représentation du cosmos qui dérive de l'intuition du Bouddha dans le pouvoir d'intention. Et qu'est-ce qui forme les intentions avisées? Deux qualités apparentées: attention appropriée (§16) et la vue correcte (§99). L'attention appropriée se focalise sur les questions qui aident à générer l'habileté dans nos actions, et à éviter les questions qui se mettent en travers du développement de cette habileté. Au niveau mondain, la vue correcte fournit une compréhension correcte de l'action et de son potentiel de production des plaisir et douleur mondains. Au niveau transcendant, elle réduit simplement l'expérience aux causes et aux effets, avisés et malavisés-- exprimés en termes des quatre nobles vérités -- sans se focaliser sur le fait de savoir s'il y a quelqu'un qui accomplit l'action ou qui en ressent les résultats. Ceci démêle l'esprit des problèmes de l'espace-temps, et lui permet d'agir d'une façon qui s'ouvre à la libération transcendante. Posé plus simplement, l'attention appropriée pose les bonnes questions; la vue correcte fournit les bonnes réponses. Le jeu entre ces deux qualités mentales explique le format des questions et réponses qui sert dans tant de discours dans l'Itivuttaka. Et, considérant le rôle de la vue correcte dans l'action avisée, le fait que tous les discours traitent des la vue correcte signifie qu'ils sont tous orientés -- directement ou indirectement -- à aider le lecteur à atteindre le vrai bonheur en se servant de ces vues pour générer des intentions avisées dans sa vie.

Thanissaro Bhikkhu
Metta Forest Monastery
Mars 2001


Glossaire

Acquisition (upadhi)
"Bagage" mental que l'esprit non-éveillé se coltine partout. Le Culaniddesa établit une liste de types d'acquisition: avidité, vues, souillures, action, inconduite, nourriture (physique et mentale), résistance, les quatre propriétés physiques que comprend le corps (terre, eau, vent, et feu), les six moyens externes des sens (formes, sons, odeurs, goûts, sensations tactiles, et idées), et les six formes de conscience sensorielle (conscience de l'oeil, de l'oreille, du nez, de la langue, du corps, et conscience-intellect). L'état sans acquisitions est le Détachement (voir ci-dessous ).

 

Aggrégats (khandha)
Chacune des cinq bases d'attachement à un sens du soi: forme ( phénomènes physiques, y-compris le corps), sensations, perceptions (étiquettes mentales), fabrications mentales, conscience.

 

Arahant
Un "digne" ou "un pur;" une personne dont l'esprit est libre de souillures et donc n'est pas destinée à renaître davantage. C'est aussi un des titres du Bouddha et le niveau le plus élevé de ses nobles disciples.

 

Avici
Le plus bas niveau d'enfer. Les enfers bouddhiques sont des endroits de tourment temporaire, pas éternels. Un être va en enfer, non pas parce qu'un pouvoir extérieur l'y a envoyé, mais de par le pouvoir de ses propres actions. Lorsque les résultats des actions arrivent à leur terme, l'être est libéré de l'enfer.

 

Devenir (bhava)
Etats d'être qui se développent d'abord dans l'esprit et permettent la naissance à n'importe lequel de trois niveaux: celui de la sensualité, celui de la forme et celui du sans-forme.

 

Brahma
Habitant du plus élevé niveau non-sensuel de ciel. Le grand Brahma est l'un des plus puissants ihabitants de ces cieux. En tant qu'adjectif, brahma signifie "sublime," "idéal," "incarnant les meilleures qualités. En tant que tel, il sert souvent à décrire l'arahant ou les plus hautes qualités du Dhamma.

 

Brahman
Les brahmanes de l'Inde ont longtemps soutenu qu'eux, de par leur naissance, sont dignes du plus grand respect. Les bouddhistes leur empruntèrent le terme "brahmane" et l'appliquèrent aux arahants pour démontrer que le respect se mérite, non par la naissance, la race, ou la caste, mais par la réalisation spirituelle en suivant la voie correcte de la pratique. Certains des passages de l'Itivuttaka se servent du mot brahmane en ce sens particulier; d'autres de façon plus ordinaire. le sens entendu devrait être évident à partir du contexte.

 

Coeur (manas)
L'esprit dans son rôle de volonté et d'intention.
 

Deva

Littéralement, "brillant." Habitant des domaines célestes.

 

Dhamma
(1) Evénement; phénomène en et par lui-même; (2) qualité mentale; (3) doctrine, enseignement; (4) nibbana. Forme sanscrite: Dharma.

 

Eclairé (dhira)
A travers toute cette traduction, j'ai rendu buddha par "Eveillé," et dhira par "éclairé." Ainsi que le fait remarquer Jan Gonda dans son livre, The Vision du Vedic Poets, le mot dhira servait dans la poésie védique et bouddhiste pour une personne qui a les pouvoirs augmentés de vision mentale qui sont nécessaires pour percevoir la "lumière" des principes structurels du cosmos, en même temps que l'expertise pour mettre ces principes en pratique dans les affaires de la vie quotidienne et pour les révéler aux autres. Une personne qui est éclairée en ce sens peut aussi être éveillée, mais pas nécessairement.

 

Fabrication (sankhara)
Sankhara signifie littéralement "mettre ensemble," et a des connotations d'artificialité controuvée. Il s'applique aux processus physiques et mentaux, de même qu'aux produits de ces processus. Dans certains contextes, il fonctionne comme le quatrième des cinq aggrégats -- fabrications mentales; dans d'autres, il couvre les cinq. Forme sanscrite: Samskara.

 

Fermentation (asava)
Un des quatre aspects -- sensualité, vues, devenir, et ignorance -- qui fermentent dans l'esprit et en découlent, créant ainsi le courant de la ronde de la mort et la renaissance.

 

Jhana
Absorption méditative. Etat de forte concentration, dont sont absents la sensualité ou les pensées malavisées, concentré sur une seule sensation physique ou notion mentale qui est ensuite étendue à tout l'ensemble de la conscience. Jhana est synonyme avec la concentration correcte, le huitième facteur du noble octuple sentier. Forme sanscrite: Dhyana.

 

Kamma
Acte intentionel, qui porte des fruits en termes de devenir et de naissance. Forme sanscrite: karma.

 

Libération (nibbana)
Parce que nibbana sert non seulement à indiquer le but bouddhiste, mais ausi l'extinction d'un feu, on le rend le plus souvent par "anéantissement" ou, pire encore, "extinction." Cependant, une étude des anciennes conceptions qu'avait l'Inde du fonctionnement du feu (voir The Mind Like Fire Unbound) révèle que les gens de l'époque du Bouddha croyaient que le feu, en s'éteignant, ne sortait pas de l'existence mais était simplement libéré de son agitation, de son emprisonnement, et son attachement à son carburant. Ainsi, lorsqu'on l'applique au but bouddhiste, la connotation primaire de nibbana en est une de libération, de même que de fraîcheur et de paix. Forme sanscrite: nirvana
 

Mara

Personnification de la tentation et de la mort.

 

Patimokkha
Code monastique de discipline de base, composé de 227 règles pour les moines et de 310 pour les nonnes. Forme sanscrite: Pratimoksha.

 

Sakka
Roi des devas dans le ciel des Trente-trois.

 

Samsara
Transmigration; l' "errance"; la ronde de la mort et de la renaissance.

 

Sangha
Au niveau conventionnel (sammati), ce terme dénote les communautés de moines et de nonnes bouddhistes; au niveau idéal (ariya), il s'applique aux disciples du Bouddha, laïcs ou ordonnés, qui ont au moins atteint l'entrée dans le courant.

 

Stress (dukkha)
Les traductions alternatives de dukkha comprennent souffrance, accablement, et douleur. Cependant -- malgré les connotations malheureuses qu'il s'est pris dans des programmes de "stress-management" et de"stress-réduction" -- le mot anglais stress, dans son sens fondamental en tant que réaction à la tension sur le corps ou l'esprit, a l'avantage de couvrir une bonne partie du même champ sémantique que le mot pali dukkha. Il s'applique autant aux phénomènes physiques et mentaux, qui vont du stress intense de l'angoisse aiguë ou douleur jusqu'à l'accablement inné du aux fabrications mentales ou physiques, y-compris les plus subtiles. Il a aussi l'avantage d'être universellement reconnu comme quelque chose dont on fait directement l'expérience dans toute vie, et c'est en même temps un outil pratique pour couper à travers l'orgueil spirituel qui maintient les gens attachés à des formes de souffrance particulièrement raffinées ou sophistiquées: une fois que toute souffrance, peu importe combien noble ou raffinée, est admise comme n'étant rien de plus que du stress, l'esprit peut abandonner l'orgueil qui le maintient attaché à la souffrance, et donc en obtenir la libération. Et pourtant, dans certains des vers de l'Itivuttaka, stress paraît trop faible pour rendre le sens, ce qui fait que dans certains de ces vers, j'ai rendu dukkha par douleur, souffrance, ou souffrance et stress.

 

Tathagata
Littéralement, "celui qui est devenu authentique (tatha-agata)," ou "celui qui est vraiment parti (tatha-gata)," épithète utilisée dans l'Inde ancienne pour une personne qui a atteint le but religieux le plus élevé. (Pour d'autres étymologies, voir §112.) Dans le Bouddhisme, elle décrit généralement le Bouddha, quoique parfois elle décrit également n'importe leque de ses disciples qui sont des arahant.

 

Vinaya
Discipline monastique. Le nom que donnait le Bouddha à son propre enseignement était, "ce Dhamma-et Vinaya," cette doctrine et discipline.


Révisé: Ven 3-oct-2003

http://www.accesstoinsight.org/canon/sutta/khuddaka/iti/index.html